Sur la platine

Max Nagl roule à moto. On le préfère au saxophone.

Présentation des deux nouvelles références du saxophoniste Max Nagl


Coureur de motocross allemand, né en 1987 Max Nagl n’est pas la personne qui nous occupe ici. Notre Max Nagl est né en 1960 et il est autrichien. Beaucoup moins bruyant quoique tout aussi habile à parcourir les chemins les plus escarpés, notamment dans la formation Big Four ou au côté de Steven Bernstein, Noël Akchoté et Bradley Jones (une poignée de disques en témoigne, notamment chez Hat Hut), le saxophoniste s’est effectivement fait connaître dans l’Hexagone au début des années 2000 avec quelques disques où son sens de la composition faisait florès, de même que sa manière de repérer les personnalités les plus idoines pour jouer sa musique (on se souvient bien sûr de Quartier du Faisan ou de The Evil Garden). Sa production discographique, et son travail de manière générale, ne se limitent pourtant pas à ces années charnières du XXIe siècle naissant. Acteur de la scène jazz européenne depuis la fin des années 80, il est encore bien présent aujourd’hui avec deux nouvelles références aussi contrastées que possible et publiées à quelques mois d’intervalle.

Reprenant une pratique expérimentée en 1988 avec La Belle est black sur lequel il jouait de tous les instruments, Max Nagl propose aujourd’hui avec m.n.plattinger de mixer plusieurs sources musicales dont il est le seul instigateur. Le passage en revue des échantillons qui composent ce disque pourrait être long, tant le matériau est varié. Des sons concrets (chants d’oiseaux ou carillon d’horloge notamment) s’entrechoquent avec des guitares électriques dégingandées, avant de laisser libre cours à un bref solo languide de saxophone.

Sautant d’une humeur à l’autre, sans donner pour autant dans le zapping échevelé propre au John Zorn du début des années 90, on découvre un parcours qui tient de la promenade plaisante. Ce capharnaüm mobile, mieux organisé qu’il n’y paraît au premier abord, recèle quelques petites mélodies qui jaillissent de-ci de-là avant de retourner dans ce bric-à-brac. Une petite fresque en forme de patchwork ludique et divertissant. Le disque sort chez Rude Noise, le label du saxophoniste.

Autrement plus ambitieux, plus traditionnel sûrement, Pdorvk est signé par MN5, soit un quintet sans batterie mais avec un piano qui travaille le son dans une approche chambriste sous la houlette des soufflants (une trompette, un trombone, un saxophone). S’ouvrant sur une interprétation réussie et entraînante de la Composition 23B d’Anthony Braxton, Max Nagl invite à un monde équilibré où chacun tient sa position comme on l’attend de lui. Le son collectif est rond et les interventions solistes honorent des compositions particulièrement chantantes.

A la fois gorgée d’humour et d’un dynamisme entraînant, la formation varie les climats et les humeurs, ne dédaignant pas les clins d’œil aux musiques des harmonies municipales. Martin Eberle à la trompette tout comme Phil Yaeger au trombone donnent un cadre solide à un ensemble rendu mobile, toutefois, par la contrebasse de Gregor Aufmesser, qui semble en perpétuel mouvement et confère une tonicité propice aux interventions des solistes : le saxophone du leader bien sûr et, surtout les interventions tous azimuts du pianiste trentenaire Georg Vogel. Véritable découverte de ce disque, son toucher mordant et lumineux, ses contre-chants à la fois justes et stimulants, en font l’homme du match. Pour finir, certains moments de tendresse rendent ce disque sympathique et rapidement addictif.