Chronique

Benoît Delbecq 4

Gentle Ghosts

Mark Turner (ts), Benoît Delbecq (p, électronique), John Hébert (cb), Gerald Cleaver (dm)

Label / Distribution : Jazzdor Series

Deuxième volet pour le quartet américain que dirige Benoît Delbecq. L’enregistrement, annoncé notamment lors d’une prestation mémorable donnée aux Rendez-Vous de l’Erdre en 2019, bénéficie des lendemains de concerts (Charlie-Jazz à Vitrolles, Jazz à la Villette, etc.) et permet d’entendre, par rapport au disque précédent, un supplément de fluidité dans une mécanique déjà bien souple.

Les quatre musiciens se côtoient en effet depuis de nombreuses années et ont une approche similaire de la musique. Recherche du timbre juste, soin de l’espace et des intervalles de jeu, interplay fin, font de ce quartet une formation à la fois stable et ferme dans la direction qu’elle emprunte. Parfaitement ajustée aux compositions interprétées, elle baigne dans la douce étrangeté d’un style désormais bien connu, poussée vers l’avant par la tonicité d’une paire rythmique louvoyante qui donne l’élan aux improvisations des musiciens.

Moins contraint que sur Spot on Stripes, le saxophone de Mark Turner libère des mélodies singulières à la sonorité légère et pénétrante qui sont la part chantante de la formation et son incarnation la plus immédiate. De son côté, Delbecq les accompagne, s’en saisit ou les esquive par des accords mouvants qui semblent glisser à la surface d’un paysage aérien. Une oreille attentive percevra la discrète part d’électronique qu’il utilise pour réinjecter quelques bribes de sons saisis dans l’instant.

Cependant, sont-ce la composition de l’ensemble, aux trois quarts nord-américaine, ou les réminiscences d’un jazz historique entendu chez Paul Bley, Steve Lacy, Mal Waldron ou d’autres héros de cette trempe qui constituent le background du quartet (comme le signale Philippe Ochem dans les notes de pochette) ? On entend une couleur intérieure qui rappelle l’équilibre des grands quartets américains de l’avant-garde sixties. De souples ombres félines se faufilent dans la nuit urbaine et sont les reines d’un soir.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 12 septembre 2021
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