Chronique

Mike Pride

I Hate Work

Mike Pride (dms, perc, keys), Jamie Saft (p, mellotron), Brad Jones (b) + JG Thirlwell (voc), Sam Mickens (voc), Dave Dictor (voc), Mick Barr (g, banjo)

Label / Distribution : RareNoise Records

Mike Pride est de ces musiciens dont on a souvent l’occasion d’évoquer le nom, puisqu’il sillonne la scène new-yorkaise depuis plus de vingt ans, avec une liste de contributions longue comme le bras (Matana Roberts, William Parker, John Zorn, Marc Ribot, Eugene Chadbourne, ou encore Jason Stein, pour n’en choisir qu’une poignée). On l’évoque, mais finalement on en parle trop peu souvent, et voilà que l’occasion de rectifier les choses se présente sous le nom de I Hate Work que le batteur sort sous son nom. Une très belle occasion.

Il s’agit d’un album de reprises du groupe punk de San Francisco MDC, fondé en 1979, dont les initiales changent de sens selon les albums (Multi-Death Corporation, Millions of Dead Cops, Millions of Damn Christians, Million of Dead Cowboys..). Le groupe est toujours actif, pas fatigué du tout, il suffit de jeter une oreille sur le récent Mein Trumpf pour s’en convaincre. Tout un programme auquel Mike Pride a participé puisqu’il fut batteur de MDC entre 2000 et 2004, l’époque où il est arrivé à New York.

L’idée du batteur est d’incorporer à sa musique sa propre histoire, ou comment revisiter des thèmes punk avec ses aspirations musicales actuelles. L’intégralité des titres qui composent I Hate Work sont issus d’un seul album du groupe, paru en 1980, Millions of Dead Cops. Le disque aborde les choses à contre-pied, puisque MDC a la particularité de jouer très vite et même d’accélérer les titres sur scène jusqu’à l’extrême (le titre « I Hate Work », par exemple a battu son record à Amsterdam où il fut plié en 24 secondes). Mais ce qui intéressait le batteur ici était au contraire de ralentir et ausculter les morceaux, voir ce qu’ils pouvaient révéler lorsqu’on leur donnait du temps. Réinventer les mélodies qu’il serait possible de faire naître si les accords n’étaient pas joués à toute vitesse. Pour se faire, Pride a privilégié une petite mais solide formation avec Jamie Saft et Brad Jones, compagnons récurrents et sûrs.

La métamorphose est totale, impressionnante et très riche. On peut dire que le trio calme le jeu sans dénaturer le propos. Les titres conservent leur singularité mais parlent une autre langue. Les musiciens les marquent de leur empreinte, on reconnait immédiatement le piano de Jamie Saft, et son interprétation de « Dick for Brains » au mellotron est tout simplement géniale. Trois voix donnent du verbe à un album qui ne pouvait pas être totalement instrumental, JG Thirlwell (Foetus), Sam Mickens (The Dead Science), Dave Dictor (leader de MDC), tandis que Mick Barr (Ocrilim, Krallice) saisit l’occasion de rappeler les fondamentaux d’une guitare dans le punk.

I Hate Work démontre qu’un parcours personnel multi-disciplinaire peut donner lieu à des ponts où se croisent les genres et les gens de façon improbable et réussie. MDC eux-mêmes valident le disque et sont enthousiasmés par le projet. Ils ne seront probablement pas les seuls.