Chronique

Five Fauns

Almut Kühne (voc), Claudio Puntin (cl), Richard Koch (tp), James Banner (b), Tilo Weber (dm, comp).

Label / Distribution : Malletmuse Records

On connaissait depuis quelques années le travail de Four Fauns, le quartet du batteur allemand Tilo Weber qui proposait un jazz mâtiné et fasciné par la musique ancienne : il enregistra il y a deux ans un remarqué Faun Renaissance d’une grande subtilité, où les arrangements de Weber emmenaient la musique de Palestrina, Machaut ou Gesualdo vers des ailleurs angéliques. La notion de Four Fauns s’éloignait déjà, fantomatique : à l’occasion de nombreux concerts, la chanteuse Almut Kühne, elle-même très marquée par la musique ancienne bien qu’évoluant dans des contrées très contemporaines, avait rejoint le quartet. La sauce a tout de suite pris ; entre le chant caressant de Kühne et l’orchestre, les ponts étaient naturels. Dans son Ensemble Du où Kühne partage le chant avec Pia Davila, Tilo Weber a eu l’occasion de mesurer son jeu très ouvragé. Enluminé.

Devenu quintet, Fauns a fait paraître cet été une première facette de cette collaboration, d’une grande liberté : la relecture du « La peine dure que tant j’endure » de Roland de Lassus (1532-1584) qui s’ouvre sur un dialogue très abstrait entre Kühne et la clarinette agile de Claudio Puntin, avant de se charger naturellement de la douceur courtoise d’un chant que Tilo Weber va transcender avec l’aide de la contrebasse de James Banner. Tout semble contemporain dans ces parures anciennes. D’une finesse rare, toujours capable de laisser la place à la chanteuse et aux soufflants (on ne peut que louer le travail de Richard Koch à la trompette, lumineux dans cette atmosphère de brume), Tilo Weber rend son orchestre perméable aux transports amoureux. Absolument contemporain, « Rouse my Heart » est pourtant un travail remarquable autour de l’Hymne à la muse Kalliope de Mésomède de Crète que Weber et Kühne habillent d’atours légers et souples, tant grâce à Koch et Puntin qu’avec la tonicité de Banner à l’archet.

Mais qui est cette muse ? Almut Kühne sans conteste. Cette musique est son jardin comme How Noisy Are The Rooms était sa villégiature. C’est son approche qui donne à Five Fauns toute sa couleur. « Songs Of Solomon », inspiré du Cantique des Cantiques, doit son atmosphère à l’interprétation de la chanteuse, gracieusement soulignée par un Richard Koch brûlant comme un vent d’orage. Ailleurs, c’est aussi Kühne qui apporte toute l’étrangeté nécessaire à « Hanacpachap Cussicuinin », polyphonie en langue Quechua de 1631 que Tilo Weber utilise comme pont entre deux mondes. C’est bien la belle destinée de ces cinq faunes.