Tilo Weber Four Fauns
Fauns of The Renaissance
Claudio Puntin (cl), Richard Koch (tp), James Banner (b), Tilo Weber (dms, comp)
Label / Distribution : Malletmuse Records
Repéré lors du dernier Jazzahead, le batteur berlinois Tilo Weber est de ceux dont on sait immédiatement qu’il faut remonter le fil de sa discographie. Drumming élégant et très ouvert, orchestration impeccable, il propose avec Fauns of The Renaissance une plongée tranquille et sans décorum dans la musique ancienne, avec son quartet Four Fauns où émarge le clarinettiste suisse Claudio Puntin, habitué à travailler avec Pierre Favre. On pourrait d’ailleurs faire un parallèle entre les rythmiciens, en dépit des générations qui les séparent ; sur « Canon Couperin », une libre divagation de Weber « dans le style de… », on perçoit un goût très sûr pour l’orchestration, ainsi que pour l’effleurement du métal des cymbales que Puntin travaille d’un son caressant, très doux. Le soufflant n’est pas seul dans l’exercice. Le trompettiste Richard Koch, qu’on connaît de l’Andromeda Mega Express Orchestra et qui était dans l’Orchestra Berlin de Satoko Fujii, est un magnifique compagnon, un point d’équilibre parfait.
En témoigne le magnifique « Calextone, qui fut dame d’Arouse », qui transforme l’Ars Subtilior de Solage en un échange entre clarinette basse et trompette porté par le jeu très subtil de Weber, tout en ponctuation, bien aidé en cela par le jeu simple et direct de la contrebasse de l’Anglais James Banner. Œuvre pour la voix, le morceau de Solage est habité par le batteur qui l’arrange pour des musiciens très complémentaires à qui le chant n’est pas étranger. On notera qu’au dernier Jazzahead, Puntin était remplacé par Almut Kühne, qui sait faire de sa voix un instrument : dans ce disque, c’est cette frontière ténue qui est explorée, celle d’un chant sans phonème, qui nous parle cependant immédiatement. Que ce soit Kühn ou Puntin, la démarche est la même, bien que la chanteuse offre une vision plus mystique. C’est une célébration d’une certaine universalité de la musique, à l’image de « Ma fin est mon commencement », œuvre de Machaut que Weber transmute en un swing de guingois, avec ce qu’il faut d’effets, ce dont Puntin, habitué des musiques électroniques, se joue avec une certaine malice. Il n’y a pas de volonté de tordre ou de triturer la Renaissance, juste de donner sa propre lecture d’un bien commun, avec douceur, intelligence et sensibilité.
Les Four Fauns de Tilo Weber ont évolué depuis l’album de 2018 qui portait ce nom. Avec le batteur, seul persiste Koch, qui se fait solaire sur le beau Kyrie de « Missa Papae Marcelli » de Palestrina. Mais dans cet orchestre où la culture de la musique écrite occidentale est centrale (Koch, notamment, a une discographie très marquée par la musique contemporaine), le projet Faun Renaissance nécessitait une souplesse et un chant intérieur que Puntin et Banner pouvaient totalement offrir. Tilo Weber, qui a beaucoup travaillé avec la pianiste et chanteuse Clara Haberkamp et le vibraphoniste David Friedman, confirme avec ce disque qu’il est une des voix qui comptent sur la scène européenne, le tout avec une tranquillité et une économie de gestes qui définissent à merveille son jeu et son approche. Un disque indispensable.