Scènes

Nefertiti, fin de résidence déconfinée

Compte rendu du concert de Nefertiti Quartet à l’Osons Jazz Club


© Eric Delage

C’était le 6 septembre. Deux mois avant…
Nefertiti Quartet nous a propulsés hors du temps ce soir-là. Pensez donc : à l’issue d’une résidence dans ce lieu magique des Alpes de Haute-Provence qu’est l’Osons Jazz Club, la moindre note de ce groupe qui porte le nom d’une reine de l’Égypte ancienne ne peut être qu’éternelle. Leur précédent concert à l’Osons, c’était en février 2020. Juste avant.

D’emblée, on est séduit par ces axes étonnants formés par l’intensité du dialogue piano-batterie et par la fougue de la conversation saxophone-contrebasse, dessinant comme deux arches bienveillantes destinées à embarquer l’audience dans un voyage sans fin.

Pedro Ivo Ferreira, Camille Maussion, Pierre Demange

Au piano, Delphine Deau déroule un solo qui monte par paliers. Paliers qu’elle se plaît à déstabiliser, un peu comme des escaliers à la Escher, pendant qu’au saxophone Camille Maussion balance des harmoniques ensorcelantes (peu courantes sur cet instrument, mais de la part d’une spécialiste du sound-painting, il faut s’attendre à tout). Le groupe nous aurait-il convié à quelque sabbat ? Sur un nouveau morceau « qui n’a pas encore de titre » - avoue la pianiste - Pierre Demange ondule derrière sa batterie et dessine des cercles avec ses baguettes et balais comme autant de gestes incantatoires.
Sur « Contemplation », le quartet déploie un origami, dépliant et repliant des motifs infinis entre affirmation des individualités et confirmation du collectif, sans qu’il soit question de quelque conflit que ce soit entre les Je et le Nous. Des pièces plus contemporaines, comme « Hymne à la folie », sont déployées entre mélancolie bluesy et hystérie lyrique. Du jeu subtil en percussion sur les clés du saxophone soprano en passant par l’archet tapoté, avec un rythme improbable, sur les cordes de la contrebasse par Pedro Ivo Ferreira, jusqu’à l’acmé swinguante portée par le piano et la batterie, une douce possession s’empare de l’ancien moulin.

cela fait six mois qu’il n’a pas joué en public

Les musicien.n.e.s de Nefertiti Quartet se prêtent volontiers au jeu de la jam-session à laquelle le maître des lieux, Philippe Balin, nous a convié.e.s. Parmi les invités, Benoît Paillard, co-responsable de la classe départementale de jazz au conservatoire de Digne-les-Bains avec Christophe Le Loil, est soufflé par le talent de ces jeunes gens. Lui-même, pourtant, y va de tout son cœur, avouant que cela fait six mois qu’il n’a pas joué en public. Le groupe clôt la soirée avec un swing à cinq temps sur lequel la touche de la contrebasse semble prendre feu, tant la main gauche du titulaire de l’instrument produit des étincelles. La saxophoniste semble désormais sortir de son instrument, chamanisant à qui mieux mieux (même la pianiste « leader » en est bouche bée). Des ondes d’entraide baignent le lieu, sur scène et dans le public.
Le déconfinement, c’était maintenant !