Chronique

Noé Huchard

Song For

Noé Huchard (p), Clément Daldosso (b), Élie Martin-Charrière (dms).

Label / Distribution : Soupir Editions / Socadisc

Song For est le premier disque d’un très jeune musicien, puisque Noé Huchard n’a que 20 ans. Ce pianiste, fils du batteur Stéphane Huchard a, comme on peut l’imaginer, baigné depuis sa plus tendre enfance dans un environnement musical, commençant l’apprentissage de la musique dès l’âge de 3 ans avec ses premières leçons de piano classique. Il suivra cette voie pendant plus de 10 ans avant de commencer à s’intéresser au jazz au moment de son adolescence, dont on se dit finalement qu’il sort seulement.

L’influence de la musique romantique est d’ailleurs présente en filigrane dans certaines compositions (comme « Song For Anna ») de cet album enregistré avec deux jeunes musiciens rencontrés au Conservatoire de Paris et devenus des amis du pianiste : Clément Daldosso à la contrebasse et Élie Martin-Charrière à la batterie. On connaît ce dernier puisqu’il fait partie du quartet Unknown de Pierrick Pédron, ainsi que du trio du contrebassiste Thomas Bramerie. Signalons au passage, car le détail n’est pas sans importance, que Daldosso a d’abord commencé par la batterie avant de s’adonner à son instrument actuel et que ses récentes collaborations musicales lui donneront l’occasion de travailler avec un autre spécialiste d’un tel changement : Rémi Vignolo.

Le directeur artistique de Song For n’est autre qu’un certain Pierre de Bethmann, qui fut par ailleurs l’un des professeurs de piano de Noé Huchard au CNSM… La musique est un village, finalement. Et puisqu’il est question de village, on se doit d’évoquer celui de Meursault en Bourgogne, là où chaque année deux prix sont décernés par le Fonds de Dotation de Monique et André Boisseaux. Sont ainsi attribués au mois de juillet, lors du Festival « De Bach à Bacchus », un prix du vin attribué à un jeune chercheur dans le domaine de la viticulture et un prix de la musique. Noé Huchard est l’un de ses récents lauréats. Et c’est grâce à ce prix et cette fondation qu’il a pu enregistrer son premier album au Studio Sextan à Malakoff.

Ce disque a fière allure, tout autant du fait de l’énergie tranquille qui le traverse que par sa capacité à ralentir le tempo et à laisser respirer les notes, sans l’impatience liée au jeune âge des musiciens. Comme sur « Prologue : Opening Choral » qui ouvre le disque, juste avant de céder la place au groove de « You Should Feel It Now ». Ou encore sur un « Don’t Forget the Robots » teinté de blues. On trouve au programme de Song For une majorité de compositions signées Noé Huchard – dont certaines, telle « Astroboy » et sa montée en tension, « San Rafael » et son thème accrocheur ou « Hip ! » et son balancement calme avant un final enivrant, sont d’incontestables promesses – auxquelles s’ajoutent des reprises, comme celle de « Embraceable You » en solo ou le bouillonnant « Milestones (Old) » (signé John Lewis et Miles Davis, à ne pas confondre avec le « Milestones » de 1958).

On constate à l’écoute du disque qu’à tout moment, le trio fait montre d’un équilibre naturel de ses forces (toujours dans cette idée de respiration, Noé Huchard laisse de la place à ses camarades de jeu même s’il est le leader déclaré du trio), au point qu’on ressent comme en direct la complicité souriante entre des musiciens qui ont fait le choix d’enregistrer dans une même pièce, sans casque. Soit le confort du studio mais dans l’esprit d’un concert. Souhaitons bonne chance à cette « cellule » qui affiche d’ores et déjà une vraie maîtrise de son langage musical sans pour autant prétendre révolutionner ce jazz si cher à son cœur, un jazz ici exprimé avec détermination et sérénité.