Scènes

Novarajazz en mode Majeur

Le 19e édition du festival italien s’est tenue du 2 au 12 juin 2022


Située entre Turin et Milan, au cœur du Piémont, rejoindre Novara est aisé mais, bilan carbone oblige, le train fait parfaitement l’affaire pour assister au premier week-end de cette édition du festival qui fêtera ses 20 ans l‘année prochaine.
L’accès rapide au centre historique en est un autre avantage et, bientôt, ruelles pavées réservées à l’usage des piétons et cyclistes, arcades élégantes et monuments historiques suscitent un sentiment de bien-être au visiteur.

Nous sommes dans la plaine du Pô et les organisateurs ont eu le bon goût de programmer le festival juste avant la fin de la grève des principaux occupants des rizières voisines, les redoutables zanzare [1].
En plus d’une programmation innovante et contemporaine, la direction artistique à deux têtes de Corrado Beldi et Riccardo Cigolotti a aussi à cœur d’allier l’expérimental et l’audace musicale à la tradition gastronomique et œnologique de cette région nichée entre vignes et rizières. Rappelons que le berceau du mouvement slowfood est ici et que les spécialités locales ne manquent pas : risotto, gorgonzola, vin, bière et tutti quanti.

Bienoise, Mirko Pedrotti, Lisen Rylander Löve © Gérard Boisnel

Le premier rendez-vous nous entraine à l’Espace Nòva, ancienne caserne reconvertie en espace culturel, pour le concert concluant la résidence à Novara de la saxophoniste polyinstrumentiste suédoise Lisen Rylander Löve et de Mirko Pedrotti, vibraphoniste de formation classique vite happé par le jazz et les musiques improvisées. Leur rencontre initiée en mars 2022 au Stockholm Women’s International Jazz Festival, sous l’impulsion inspirée d’Enrico Bettinello, s’est concrétisée en résidence dans ce lieu propice à la création. Outre leurs instruments respectifs s’ajoutent voix et électronique, accompagnés avec justesse et mesure par Bienoise alias Alberto Ricca (électronique et mixages). La fusion Nord- Sud opère immédiatement et les improvisations finissent de capter un public attentif. Espérons un jour prochain un support physique de cette rencontre.

Le lendemain les jeunes musiciens de MYND présentent leur projet qui a vu le jour à distance pendant la pandémie. Ils jouent un jazz vif, aux accents souvent rock appuyés par l’incontournable Mirko Pedrotti et le saxophone puissant et nerveux de Massimiliano Milesi qui fait résonner la cour intérieure du musée archéologique ethnographique d’Oleggio.

Hormis les concerts dans la ville, de nombreuses initiatives à l’extérieur sont désormais pérennes : la Camminata in jazz, petite randonnée à travers la campagne novarese, récompense les participants de belle manière : le concert du trio Korr parmi les vignes d’un domaine vinicole suivi d’une dégustation à la fraîche (Qui, après avoir trempé ses lèvres dans un verre de Nebbiolo Colline Novaresi Rosato ne serait pas définitivement converti au rosé ?).

La biciclettata in jazz, Virgina Sutera © Gérard Boisnel

Puis place à la version à deux roues avec la classique Biciclettata in jazz. Au fil du parcours, des pauses musicales en pleine nature permettent aux mollets de récupérer avec les prestations des improvisateurs Mario Mariotti (trompette), qui déploie une impressionnante sonorité au milieu des cascades du canale Quintino Sella, puis de Virginia Sutera (violon), tout en grâce et finesse. L’arrivée a lieu dans les jardins de la villa Picchetta pour écouter le jeune Quintetto Bacàn et profiter de l’ombre des cèdres de ses jardins sur de confortables coussins. Déjà une nouvelle dégustation s’annonce ( le Vespolina, cépage star local…) puis il est temps de rejoindre à travers rivières et canaux la centrale hydroélectrique d’Orlandi, restaurée avec goût, lieu magique suspendu au milieu de l’eau. Giorgio Li Calzi et Manuel Zigante présentent Solaris, un projet inspiré par l’œuvre de Tarkovski. La trompette et les nombreux effets de Li Calzi s’unissent au violoncelle de Zigante, soufflant le chaud et le froid, le calme ou le furieux, imbriquant ou alternant électronique et musique classique, notamment Jean-Sébastien Bach, hypnotique ou obsédant tel « Sala d’aspetto ». Une réussite.

Quintetto Bacàn, Corrado Beldi, Riccardo Cigolotti © Gérard Boisnel

La soirée prend fin au birrificio Croce di Malto de Trecate avec le solo du guitariste Enrico Degani, venu en voisin de Turin pour jouer ses propres compositions avec sensibilité et délicatesse.

Le temps passe trop vite à Novara et il est temps de reprendre le chemin du retour. Le festival continue jusqu’au prochain dimanche avec un programme attractif, notamment Church of sound avec Tamar Osborn, les Portugais de L.U.M.E, l’Orchestre tout puissant Marcel Duchamp, Bruno Chevillon ou encore le très attendu Peter Evans.
Rendez-vous pour la 20e édition qui révèlera sans doute de belles surprises. L’équipement est simple : de bonnes chaussures et un esprit ouvert.