Scènes

Oliva, l’ivre d’images

Compte rendu du concert-conférence de Stéphan Oliva à la médiathèque de Bouchemaine


Stéphan Oliva, photo Christophe Charpenel

Relais culturel aussi discret qu’indispensable, les médiathèques sont aussi le moyen d’envisager un autre rapport à la musique. Un lieu où l’artiste se retire de l’isolement de la scène où il est en représentation pour échanger plus directement avec le public. Avec des notes toujours mais aussi des mots, le pianiste Stéphan Oliva évoque sa passion cinéphilique lors d’une rencontre intime à la Médiathèque des Boîtes à Culture de Bouchemaine, près d’Angers.

Stéphan Oliva, photo Christophe Charpenel

Petit mais confortable, l’auditorium de cette commune située à l’embouchure de la Maine et de la Loire invite à la convivialité. La salle comble fait face à un piano. L’instrument n’est pas un grand piano de concert mais toute l’intelligence de Stéphan Oliva réside dans l’envie de faire partager sa musique indépendamment des conditions. Mieux, dépasser ces dernières dévoile des émotions que le trop grand confort fait parfois oublier.

Entre chaque titre, micro en main, le pianiste prend le temps d’évoquer les images qui défilent sur le grand écran devant lui. Les films noirs, Jean-Luc Godard et Georges Delerue, Bernard Herrmann, le jazz bien sûr et Martial Solal, l’incontournable portrait de Gene Tierney. Le propos accompagne les sons, les sons illustrent le propos. Avec des mots justes, simples, loin de la conférence pontifiante, il raconte son amour pour le septième art et l’articulation avec sa pratique de musicien. Les bandes originales qu’il joue, déjoue, retravaille comme un exégète, sont le texte originel qu’il interprète en les investissant de sa sensibilité pour, comme il le dit joliment, finir par composer la musique de la musique du film.

Revenu récemment d’une tournée marathon en Finlande au côté de Jean-Marc Foltz, les mains de Stéphan Oliva sont souples et les doigts parfaitement déliés. Il s’approprie le piano qu’il sculpte fermement plus qu’il ne creuse sa résonance comme il a coutume de le faire. Il invente des couleurs qu’il module sans cesse et anime de bifurcations et de rebonds qui viennent trouver écho dans les photographies projetées.

Une scène issue de Vertigo d’Alfred Hitchcock, ralentie à l’extrême, se métamorphose sous nos yeux. Sa dramaturgie entièrement renouvelée est portée par l’architecture d’une musique puissante qui donne au moindre mouvement de caméra une résonance profonde. Elle souligne chaque séquence et crée un nouveau film dans le film. Ainsi, à s’immerger dans le son et l’image, on finit par ne plus démêler l’un de l’autre et ce “concert” devient alors un authentique moment de cinéma musical.