Chronique

Pareidolia

Selon le vent

João Camões (alto), Gabriel Lemaire (s et cla), Yves Arques (p) + Alvaro Rosso (cb)

Label / Distribution : JACC Records

C’est un disque court (une petite demi-heure) mais nul besoin d’en dire trop quand l’essentiel est dit. Ce trio, constitué de l’altiste portugais João Camões et des Français Gabriel Lemaire et Yves Arques (auteurs voici quatre ans du beau De l’eau la nuit), privilégie un cheminement unidirectionnel en s’appuyant sur un usage étendu des instruments. Scintillement des cordes frottées, feulement du soufflant et cordes transformées du piano travaillent à une déréalisation des timbres et rappellent, effectivement, les effets du vent sur les obstacles qu’il rencontre.

Mieux perceptibles sur la seconde pièce où intervient le bassiste invité Alvaro Rosso, les effets de vitesse et les différentes intensités qui parsèment ces deux pièces donnent une dynamique à des sculptures mouvantes qui privilégient la matière avec un goût prononcé pour la matérialité du son. Creusant les détails et manipulant la combinatoire des voix comme autant d’effets, elles répartissent spontanément les propositions sur l’espace sonore et dessinent de nouvelles perspectives.

Les ruptures transitionnelles sont ainsi écartées au bénéfice d’une pensée musicale coulée et la formation encadrée par un alto fécond (qui rappelle la poésie qui se dégageait déjà du trio avec Jean-Marc Foussat et Jean-Luc Cappozzo sur Autres Paysages) laisse advenir des traits mélodiques que l’introduction ne permettait pas de soupçonner. Le saxophone ou la clarinette, de même que les accords sommaires du piano ponctués par une basse délicate, portent en filigrane l’élégance d’un jazz traditionnel et se résolvent dans un finale d’une grande douceur.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 19 mai 2019
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