Chronique

Pat Metheny

What’s it All About

Pat Metheny (solo baryton guitar, 42 string guitar, 6 string guitar, nylon string guitar)

Label / Distribution : Nonesuch / WEA

L’exercice soliste n’est pas une nouveauté chez Pat Metheny, qui s’y est confronté à plusieurs reprises et dans différentes configurations depuis New Chautauqua (1979), pour lequel il enregistra plusieurs pistes superposées, jusqu’à Orchestrion (2010), où il dirige depuis sa guitare tout un ensemble d’instruments.

Son dernier disque est, si l’on peut dire, doublement solo : un seul musicien, une seule piste - à l’instar de One Quiet Night (2003) - à propos duquel il écrivait : « A whole record with one single guitar » - seul album à pouvoir soutenir la comparaison avec What’s it All About. Même configuration, mais aussi même atmosphère. D’ailleurs, les visuels eux-mêmes sont proches : une silhouette seule qui s’éloigne dans un environnement où la pluie et la nuit apportent une indéniable mélancolie.

Mais, à la différence de One Quiet Night,qui comportait une très grande majorité de compositions, What’s it All About est un recueil de chansons revisitées. On y croise « Garota de Ipanema » de Carlos Jobim et Vinicius de Moraes, « And I Love Her » des Beatles ou encore, en ouverture de l’album, un programmatique « Sound of Silence » de Paul Simon. Programmatique car, comme sur One Quiet Night, cet album-ci se déroule tout en volupté. Qu’il débute par une ode au silence n’en est que plus significatif : les notes et les sons sont comptés au plus juste, les thèmes réinterprétés dans un registre très personnel et il faudra avoir bien en tête certains d’entre eux pour les retrouver sous les doigts magiques de Metheny. Si d’aucuns sont immédiatement reconnaissables, tels « Alfie » (dont les premières paroles donnent son titre à l’album), ou « Betcha by Golly, Wow », c’est loin d’être le cas pour tous. Il faut une attention soutenue, par exemple, pour retrouver le thème de « Garota de Ipanema » ou de « Slow Hot Wind »…

Mais peut-être plus que de thèmes, c’est d’airs qu’il est question ici, et je mettrais volontiers ma main à couper (moi qui ne suis pas guitariste) que Metheny les a sifflés avant de les jouer. Tout ici indique en effet des choix très personnels à une forte teneur affective, et il est vraisemblable que ce registre mélancolique n’y est pas pour rien. L’album solo, le choix des thèmes, le visuel… nous voici gagnés par un spleen presque baudelairien. Cette impression de triste sérénité est confortée par le tempo ralenti des morceaux. Même « Pipeline » est adouci, quand l’excitaient Stevie Ray Vaughan, ses doigts bagués et sa guitare saturée, ou mieux encore Anthrax. Impression accrue par « Rainy Days and Mondays » (comment faire titre plus triste ?) ou « That’s the Way I’ve Always Heard it Should Be ». Et c’est cette douloureuse douceur qui donne tout son cachet à cet album magnifique.

Album intime, aussi, dans un tout autre registre que le Pat Metheny Group, ou même que le trio, que l’on associe volontiers aux grandes salles, voire aux stades. What’s it All About ne peut être savouré que dans le calme. C’est à cette seule condition qu’on pourra y entendre le bruit du silence.