Chronique

Petit / Recio / Perraud

Anthropique, Sur les routes de Bourgogne

Didier Petit (cello, voc), Lucia Recio (voc), Edward Perraud (dms, perc)

Label / Distribution : In Situ/Orkhêstra

C’est à un objet bien étrange que nous avons à faire. Une boîte rouge vermillon, avec une petite image au noir et blanc lourd en son milieu, comme une vieille photographie argentique. A l’intérieur, plusieurs livrets, qui content des rencontres avec des acteurs de terrain témoignant de leur vie. Ça parle de tour de potier et d’éducation spécialisée. De vielle à roue et de pain au levain entre Vézelay et Joncy. Entre l’Yonne et la Saône-et-Loire. Aujourd’hui, à Paris, on dit « Bourgogne-Franche Comté » ; là-bas, on dira longtemps Bourgogne, ou on ne dira rien, parce que les personnes que Didier Petit a interrogées pour Anthropique sont plus impliquées localement que les cabinets de découpage territorial.

Anthropique, nous dit le Larousse, se dit d’un paysage qui résulte de la main de l’homme, de son interaction. Ça peut aller du panneau laid indiquant la concentration de supermarchés aux outils de l’artisan. Grand écart. Sans surprise, le trio d’improvisateurs où l’on retrouve également le percussionniste Edward Perraud et la chanteuse Lucia Recio s’est intéressé aux seconds. Des artisans musiciens vont à la rencontre d’autres artisans ; les livrets décrivent les histoires de chacun, et le violoncelliste en a extrait quelques phrases sur lesquelles ils improvisent. Ils exaltent les mouvements répétitifs et les tours de main (« Tourneurs du Morvan »), ils illustrent avec une véritable empathie les aventures des cinémas de campagne (« Tout un film »). Ils mettent en lumière les solidarités et les résistances de ces territoires ruraux dans lesquels les musiciens se sentent indubitablement à leur aise. En témoignent ces intermèdes de chansons populaires que l’on imagine joués entre deux interviews  : parmi eux une reprise de « Comme un Boomerang » qui joue à merveille avec les mots de Gainsbourg.

Pour un amoureux du signifiant comme Petit, Anthropique n’est pas choisi par hasard. Il y a certes l’action de l’homme, mais il y a aussi cette enclise hésitant entre anthropologie et entropie, et qui définit parfaitement la démarche de ce disque paru chez In Situ. C’est en Bourgogne, mais ça pourrait être en Vendée intérieure ou dans les montagnes basques, dans ces endroits prétendument reculés qui vivent dans un temps différent, dans lequel le trio se glisse avec enthousiasme. Passée la surprise formelle, le nôtre ne tarde pas à suivre.