Chronique

Ran Blake – Claire Ritter

Eclipse Orange

Ran Blake (p), Claire Ritter (p), Kent O’Doherty (ts)

Label / Distribution : Autoproduction

Avant d’aller plus loin, soyons clairs. Si ce disque semble annoncer un duo de pianistes, Ran Blake et Claire Ritter ne sont associés que sur un peu moins de la moitié des vingt morceaux qui composent cet enregistrement public, l’autre partie proposant des soli de l’un ou l’autre musicien ou encore des duos où Ritter invite le saxophoniste australien Kent O’Doherty à la rejoindre.

Blake et Ritter se connaissent bien. La seconde a été l’élève du premier au New England Conservatory et les deux n’en sont pas à leur première collaboration. Ritter est également un produit du Third Stream, ce qui semble parfaitement convenir à un musicien aussi inclassable que Blake. Pourtant, c’est l’ombre de Thelonious Monk qui plane et son influence sur chacun des pianistes est palpable. « Backbone » et « Integrity » signés Ritter sont des références directes au génial pianiste qui voit d’ailleurs deux de ses compositions inscrites au programme. La version de « Blue Monk » est étonnante, à la fois dissonante et profondément ancrée dans le blues. « I Mean You » associe O’Doherty à Ritter et le saxophoniste est comme secoué par des convulsions.

Le plus frappant et impressionnant est la capacité de Blake à se réinventer. La reprise de l’un de ses plus beaux morceaux, « Short Life of Barbara Monk », en est un excellent exemple tout comme son pot-pourri brésilien et sa version de l’inusable « Summertime » qui soulignent également l’immensité de son imagination. De son côté, lorsqu’elle est livrée à elle-même, Ritter propose un jeu plus conventionnel qui souffre de la comparaison avec les moments plus stimulants. C’est bien dommage au regard de « Breakthru », une autre composition de Blake, où les deux pianistes font preuve d’une complicité désarmante et tonique.