Scènes

Ray Charles en « comédie musicale » à l’Auditorium de Lyon

Musiciens, danseurs, chanteurs… la qualité des individualités qui composent la troupe ne parvient pas à donner de réelle consistance au dessein d’origine : faire toucher du doigt le génie complexe du chanteur disparu il y a trois ans.


Musiciens, danseurs, chanteurs… la qualité des individualités qui composent la troupe ne parvient pas à donner de réelle consistance au dessein d’origine : faire toucher du doigt le génie complexe du chanteur disparu il y a trois ans.

Évoquer Ray Charles le temps d’une comédie musicale ? Belle idée. L’artiste est mort récemment (en 2004) et laisse un vide considérable pour de multiples raisons : sa personnalité, un succès planétaire, des thèmes qui ont marqué leur époque, une musique qui transgresse ô combien les frontières ou les ornières musicales et surtout, surtout, une voix rare, qu’aucun adjectif ne sait à vrai dire cerner précisément.

C’est pourquoi cette comédie musicale arrive escortée d’un a priori d’autant plus réel qu’elle nous vient de Londres, où elle a connu, nous dit-on, un « triomphe ».

En fait, ladite comédie est contenue en deux parties rapides, menées tambour battant en un peu plus de deux heures : un orchestre au fond, dix danseurs/euses au milieu et six chanteurs/euses devant. Plus qu’une comédie musicale, il s’agit d’un show où les ballets s’emboîtent les uns dans les autres, comme autant d’illustrations légendées des grands thèmes de Ray Charles.

Individuellement, rien à redire sur les éléments qui composent ce qui ressemble plus à une tournée qu’à un spectacle original. Les six chanteurs ont du métier, des voix superbes, rompues au gospel comme aux thèmes du grand aveugle, et parviennent à peu près à tirer leur épingle du jeu. Idem pour les danseurs : individuellement ils sont irréprochables, connaissent leurs pas au millimètre et ne se départissent jamais d’un enthousiasme souriant et communicatif. Quant aux musiciens, ils se sortent avec les honneurs du petit marathon qui leur est imposé.

L’ennui vient d’ailleurs : d’un show où les plans se succèdent sans grand renouvellement. Qui n’évoquent que peu la montée en puissance du chanteur, la révélation qu’il constitua à la fin des années 50 pour mille publics d’Europe et des quatre coins des Etats-Unis, et les tourments qui furent son quotidien. Bref, ce qui fut la patiente élaboration du phénomène Ray Charles.
On est un peu dans le passe-partout et la portion congrue. Le décor est réduit au minimum : une dizaine de tentures verticales représentant des touches de piano, une estrade où l’orchestre est planté façon kiosque à musique, et un praticable précédé de quelques marches, censé reprendre les dispositions des grandes revues de music-hall. L’orchestre, s’il assure d’un bout à l’autre, est loin de la grande formation qu’on aimerait entendre. Les musiciens sont neuf, à peine, quatre à la rythmique et cinq cuivres, bien servis par une belle sono qui triple ou quadruple leur présence. C’est peu pour évoquer sur scène et non plus en film la vie du chanteur, même si le show est conçu et dirigé par le boulimique et tout terraint Gary Lloyd. Enfin, les danseurs -de sacrés athlètes- ne parviennent pas à s’extraire d’un traitement assez mécanique et forcé qui amène toujours leurs ballets aux limites de l’épreuve de force.

Les grands thèmes se succèdent et c’est ce qui importe : de « I Got a Woman » à « What’I Say » en passant par les « Georgia » et autres « Unchain my Heart ». Quelques excursions (les Beatles etc.), et c’est déjà le rappel, puis la fin sur fond de quelques solos de cuivres.

Le public, néanmoins ravi par le spectacle, reprend les grands refrains, se lève, poli, quand on l’en prie, et en redemande. C’est l’essentiel.