Scènes

Jazz à Vienne 8/7/10 : Diana Krall


Démarrage un peu rigide et convenu, accélération au passage de la balise et fin de course plutôt réussie, le Diana Krall Quartet a fini par convaincre, en s’émancipant quelque peu d’un canevas trop écrit.

Diana Krall © J.-L. Chauveau

Deux fois Diana Krall en quartet à deux ans d’intervalle, c’est évidemment réconfortant. D’abord parce qu’à Jazz à Vienne le jazz commençait à y perdre un peu son latin (la seconde partie de la soirée ne sera pas pour nous rassurer), mais aussi parce qu’au fil de ses passages et de sa famille qui s’agrandit, la chanteuse ne varie pas d’un pouce dans la construction de son set.

A dire vrai, celui-ci épouserait plus (et mieux) les contours d’un club de jazz plutôt que ceux d’un théâtre antique. Morceaux courts, standards sur mesure piochés dans un large répertoire… Diana Krall aime œuvrer, patiemment et l’air de ne pas y toucher, à la réunion impossible de compositeurs et de chanteurs qui marquent son inspiration, son jeu, son chant et son interprétation. Cela va des piliers du jazz à Jobim en passant par Shirley Horn - plus connue par ici qu’elle ne semble le croire - et quelques autres.

D’où un concert assez uniforme, un peu rigide ou convenu au départ, qui prend enfin son envol mais tard, très tard… Et l’ensemble (Diana Krall + son trio) est sage, trop sage. Emboîtements parfaits, mais dictés par une sorte de triade qui précède tout le reste : le chant, la main droite de Diana et les digressions habiles d’Anthony Wilson, le guitariste, sur qui, parfois, tout semble reposer. Ainsi défilent les morceaux. Agréables. Rapides. Contrastés ou non, sur une assise rythmique impeccable et rodée. Pour autant, Diana Krall ne se déride pas, exprimant même, parfois, une certaine lassitude qui amène un jeu un peu mécanique, sans perdre de sa joliesse.

Anthony Wilson © J.-L. Chauveau

Ce n’est qu’à la fin du set, quand tout semble dit, que progressivement, le quartet et la belle – souvent en rébellion contre ses cheveux - donnent l’impression de s’émanciper d’un canevas trop écrit. Un réveil. Un sursaut. Jusque-là discrets, Robert Hurst (cb) et Karriem Riggins apparaissent, restituant l’équilibre du quartet. Tout particulièrement la contrebasse, qui se faufile alors dans le théâtre antique, tout en finesse, presque acoustique, à faire rêver un Keith Jarrett.

Cet « à bâtons rompus » change la donne. En l’affranchissant peut-être d’un rôle de leader devenu pesant, les comparses de la chanteuse montent enfin en orbite. La voix reste pleine d’attrait sur les jolies ballades au tempo lent et au registre bas, mais ce soir à Vienne, elle garde quelque chose d’inabouti et de nasillard dans les inflexions aiguës. Sans doute le seul bémol d’un show par ailleurs plus généreux que prévu.