Chronique

Reis Demuth Wiltgen

Reis Demuth Wiltgen

Michel Reis (p), Marc Demuth (cb), Paul Wiltgen (dms)

Label / Distribution : Laborie Jazz

Malgré le jeune âge de ses membres, le trio Reis Demuth Wiltgen existe depuis bientôt quinze ans. Ce premier album éponyme est une photographie de ce qu’il propose en 2013 après avoir vécu de nombreuses expériences - collectivement ou individuellement puisque ces trois Luxembourgeois ont multiplié projets et collaborations, parfois en mettant cette formation entre parenthèses. Forts de leurs chemins respectifs, ils célèbrent aujourd’hui leur réunion par un album généreux et optimiste, composé d’originaux.

Si Michel Reis, Marc Demuth et Paul Wiltgen n’ont pas toujours cheminé ensemble, donc, leurs itinéraires sont à bien des égards similaires. Tous trois ont suivi des études classiques avant de tenter leur chance aux Etat-Unis, accumulant les expériences au sein de prestigieuses écoles de musique ou au contact de musiciens aguerris, qu’ils viennent du jazz ou d’autres horizons. Ils appartiennent par ailleurs à la génération de jeunes jazzmen nourris de pop et de musiques électroniques, influences dont on retrouve des fragrances au long du disque. Ce bagage commun n’est sûrement pas étranger à la cohésion du trio.

Si ce disque s’écoute et se réécoute avec plaisir, c’est grâce à l’équilibre qu’il trouve entre les mélodies, simples et entêtantes, et leur écrin rythmique, souvent construit autour de motifs tournants ou de pulsations binaires. Mais là où de nombreux groupes se brûlent les ailes à trop vouloir jouer la carte de la modernité facile, le trio réussit à allier cette approche à une souplesse et une capacité d’évasion qui évitent toute monotonie. Car derrière des atours accrocheurs se dissimulent des trésors d’inventivité, et les musiciens laissent souvent libre cours à leur lyrisme, que ce soit par le biais de solos concis intelligemment placés dans les structures ou par de longues montées en puissance (cf le superbe « Wishing Well »). On perçoit une grande sensibilité sur les morceaux intimistes, notamment « If Only You Would Know », que Reis introduit seul en esquissant un superbe thème ; celui-ci est ensuite sobrement porté par une rythmique délicate dont Demuth s’affranchit le temps d’un solo débouchant sur un des moments les plus forts du disque, une belle arche dramatique qui naît sous les doigts du pianiste. Ces instants empreints de romantisme sont autant de respirations dans un répertoire globalement très vitaminé où se succèdent figures rythmiques et parties basées sur l’interaction. Le groupe décolle vraiment lorsqu’il réussit à allier ces deux aspects, ce qui est, entre autres, le cas sur « Mirage » et « Straight Circle », tous deux ludiques et profonds. D’autres morceaux bénéficient d’une cinématique appréciable, tels « No Stone Left Unturned » ou « Pacific Coast Highway », qui cachent derrière leur « télégénie » un propos concis et réfléchi.