Chronique

Robert Kaddouch-Gary Peacock

High Line

Robert Kaddouch (p), Gary Peacock (b)

Label / Distribution : ODRADEK

Du funambulisme de haute volée : tel est l’art pratiqué par le pianiste Robert Kaddouch en duo avec le contrebassiste Gary Peacock. Si l’on déplorait quelque peu le manque d’espace dévolu à ce dernier sur l’opus complémentaire, précédemment chroniqué, on est plus que ravi de se plonger dans le bain de vibrations telluriques produites par l’éminent jazzman.

Une main gauche infaillible et un pizzicato redoutable n’expliquent pas tout : la grand-mère est ici support de méditation… une sorte de « traité du zen et de l’entretien du jazz » - on sait l’intérêt de ce musicien né en 1935 pour les philosophies orientales, qui manifestement l’autorisent à faire respirer son instrument par-delà son usage matériel. Robert Kaddouch, quant à lui, ose des accords dissonants mais n’en oublie pas son redoutable sens du swing, faisant prendre à ses quatre-vingts huit touches des accents stride, retrouvant par là son passé d’accompagnateur de musiciens américains de passage, dans ses jeunes années toulousaines. Il est « joué par son piano », comme il l’indique dans les notes de jaquette du CD, au point qu’il est possédé par la musique, dans une transe instrumentale dévastatrice.

Mélismes méditatifs, intimité des déconstructions et des réharmonisations amenées avec une élégance suprême, captation des vibrations respectives et surtout des silences, art d’utiliser la « force de l’adversaire » dans la quête de voies insoupçonnées, jusqu’à cette envolée d’une sublime pédale sur le dernier titre « High Line », monument de simplicité et de plaisir. Comme un retour au langage de l’enfance pour ces deux musiciens qui n’oublient jamais l’essentiel.