Chronique

Schiaffini / Armaroli / Centazzo

Trigonos

Giancarlo Schiaffini (tb), Sergio Armaroli (vib), Andrea Centazzo (perc)

Label / Distribution : Dodicilune

Compagnon de longue date du contrebassiste Daniel Studer, le tromboniste Giancarlo Schiaffini est depuis longtemps l’un des grands noms italiens des musiques improvisées, parmi les plus proches de l’expression contemporaine. Celle de Giacinto Scelsi par exemple, auquel on pense beaucoup dans ce trio très loquace où l’on retrouve également le percussionniste Andrea Centazzo et le vibraphoniste Sergio Armaroli. Le premier vit aux États-Unis, où il mène depuis les années 70 une carrière qui mêle écriture contemporaine et rencontres avec des grands noms du free comme Albert Mangelsdorff, Steve Lacy ou Fred Frith. Avec Schiaffini, il a enregistré Moot & Lid en compagnie de Lol Coxhill. Quant au vibraphoniste, on l’a beaucoup entendu avec le tromboniste pour le label Dodicilune dans des relectures de compositeurs comme Luc Ferrari ou Alvin Curran. Un background que l’on reconnaît immédiatement dans « Deuterium », la première pièce de l’album où percussions et vibraphone bâtissent des liens collectifs très forts, agrémentés d’une électronique discrète mais éminemment structurante.

Trigono, c’est le triangle. Et le pluriel suggère la multitude mais aussi la mutabilité des formes. Il y a un lien très fort entre les musiciens, à tel point que leur présence est sensible même lorsqu’ils sont discrets, au plus proche du silence. Le triangle ne se brise jamais, il n’y a pas face-à-face mais une véritable agora, à l’instar de « Reloaded Again » où très vite le jeu de Centazzo monte comme une émanation gazeuse dans l’échange entre Armaroli et le trombone. Il y a quelque chose de très spirituel dans Trigonos, sensible dans la pièce du même nom. Schiaffini notamment, qui excelle dans les effets d’embouchure, sait s’infiltrer à merveille dans l’atmosphère nébuleuse de ses comparses.

Il ne faut pas cependant penser que le trio navigue dans l’abstraction totale. Certes, tout est suspendu à un mouvement de cymbales ou à un glissando, mais le trio aime aussi à rechercher une rythmique cabossée, altérée de-ci de-là, au gré des mailloches et des effets numériques. Dans « The Real Vibone », on assiste même à un embryon de jazz cubiste, démembré, qui se reconstruit pour nos oreilles comme s’il s’agissait d’un puzzle aimanté. Une belle réussite.