Chronique

Armaroli & Schiaffini

Deconstructing Ayler in the Universe

Giancarlo Schiaffini (tb), Sergio Armaroli (vib, perc)

Label / Distribution : Dodicilune

La déconstruction est pour le duo de Sergio Armaroli et Giancarlo Schiaffini un façon de rendre hommage à un sujet qu’ils vont creuser au plus profond et transporter dans leur propre langage, mâtiné d’Afrique (l’usage du balafon) et d’improvisation qui ne perd pas de vue un certain chaloupement. Il en était ainsi avec Thelonious Monk, mais aussi avec Luc Ferrari ou Alvin Curran. Déconstruire Ayler est un autre challenge : comment déconstruire l’énergie pure ? Comment déconstruire l’émotion brute ? La tâche est immense. Elle est ardue. Elle partagera sans doute les amoureux du chant d’Ayler entre ceux qui perçoivent le travail des deux vétérans italiens ; le trombone de Schiaffini est puissant et preste sur « DC » ; le vibraphone d’Armaroli est délicieusement délié sur l’hymne martial qui entame « Spirits Rejoice »… et les détracteurs qui n’y retrouvent pas leur Ayler. Mais c’est le but d’une déconstruction que d’interroger. De voir au-delà.

C’est le plus long titre, « Holy Family », qui donne les clés du chemin recherché par le duo. Le trombone cherche, fouaille, dissone avec appétit pendant que le vibraphone d’Armaroli construit patiemment une rythmique et cherche dans le plus intime des recoins de l’amitié entre ces deux improvisateurs une pulsation de danse dans la décontraction totale ; d’ailleurs, une césure apparaît au milieu du morceau, comme une reprise tout en concorde, de l’ordre du jeu enfantin et joyeux. On rejoint ce goût du mouvement et de la simplicité qui était intrinsèquement la direction que voulait Ayler. Ce qui se cache derrière cette page blanche en guise de pochette d’album.

Paru comme toujours sur le beau label transalpin Dodicilune, le duo de Sergio Armaroli et Giancarlo Schiaffini rend à Ayler un bel hommage qui s’appuie avant tout sur les morceaux présents sur Les Nuits de la fondation Maeght 1970 et Spirits Rejoice. Si l’on aurait aimé parfois un peu plus de folie et d’entropie, l’hommage à Ayler est intense et émouvant. Il pousse surtout la réflexion sur l’empreinte d’Ayler dans la musique du XXe siècle en soulignant son instinct populaire dans un propos sans concession au fil de morceaux courts, à l’os, mais toujours hauts en couleur.