Scènes

Soul Music à NJP : esprit, es-tu là ?

Échos de Nancy Jazz Pulsations # 6 - Mercredi 16 octobre 2019, Chapiteau de la Pépinière - Michelle David and The Gospel Sessions / Lee Fields & The Expressions / Deluxe.


Lee Fields & The Expressions © Jacky Joannès

Soul music, funk, spiritual, gospel… l’esprit Motown si on préfère un raccourci. NJP a choisi d’enflammer le chapiteau de la Pépinière en programmant deux formations contemporaines héritières de la « great black music ».

Je me sens un peu mal à l’aise. Comment vous dire ? N’étant plus de première jeunesse, j’ai grandi avec le souvenir d’une Motown ou, plus largement d’une soul music irradiée par le génie d’artistes tels qu’Otis Redding. Chez lui par exemple, il y avait une manière unique de se consumer sur scène qui reste inégalable et nous a tous laissés inconsolables. Comme si le natif de Géorgie mettait sa vie en jeu à chaque fois. C’est un peu comme mon « entrée en jazz » par la découverte de John Coltrane : après, j’ai souvent été gagné par le sentiment qu’il manquait ce petit quelque chose, ce supplément d’âme, cette spiritualité que j’appelle pourtant de mes vœux à chaque découverte. Tout cela est très subjectif, vous l’aurez compris.

Michelle David & The Gospel Sessions © Jacky Joannès

Avec la soirée « soul » proposée au Chapiteau de la Pépinière – public nombreux et plutôt enthousiaste, c’est une bonne nouvelle qui laisse penser que l’édition 2019 de NJP sera une réussite – je retrouve ce décalage aussi bien dans la prestation vigoureuse et enflammée de Michelle David & The Gospel Sessions qu’avec Lee Fields & The Expressions. Qu’on me comprenne bien : tout est parfait chez eux, mon point de vue n’est même pas critique. Il ne manque pas un pli aux pantalons des costumes, les cravates des musiciens sont impeccablement nouées, la veste rose à paillettes de Lee Fields brille de mille feux, la gestuelle de Michelle David confine à la performance sportive, chaque note est à sa place et les chanteurs « mouillent le maillot », comme on dit trivialement. Dans un cas comme dans l’autre, il y a une voix puissante et habitée, poussée par un groupe sans faute dont les rouages sont huilés comme après la révision annuelle d’une voiture. Je ne peux m’empêcher de penser à une Cadillac rutilante et à ses pare-chocs chromés, au doux ronronnement de son moteur. Quoi de mieux pour un conducteur ? Rien. Surtout que les sentiments sont bons : il est question de lumière, de Jésus, de cœur qui bat, de fraternité dans ce monde de brutes. Mais voilà : je vis ces concerts comme des shows hyper professionnels et je ne peux m’empêcher de penser que d’une scène à l’autre, il n’existera aucune différence. C’est tout cela qui me maintient à distance et ne me permet pas d’entrer vraiment dans la danse.

Lee Fields & The Expressions © Jacky Joannès

Vous devez me trouver grincheux, surtout que pour finir la soirée, nous avions rendez-vous avec Deluxe, un combo moustachu en provenance d’Aix-en-Provence dont on nous présente la musique comme un « électro funk déjanté ». Soit. Sauf que le groupe n’a pas autorisé les photographes professionnels à faire leur travail. Vous le savez, ici la règle est simple : pas de photos, pas de mots. Si vous n’avez pas assisté à leur concert et souhaitez en savoir un peu plus, je suis certain que parmi vos ami·e·s, il s’en trouvera au moins un·e qui aura sorti son smartphone, histoire d’immortaliser ce moment.