Chronique

Stefano Battaglia

Re : Pasolini

CD1 : Stefano Battaglia (p), Michael Gassmann (tp), Mirco Mariottini (cl), Aya Shimura (cello), Salvatore Maiore (b), Roberto Dani (dm). CD2 : Stefano Battaglia (p), Dominique Pifarély (vl), Vincent Courtois (cello), Bruno Chevillon (b), Michele Rabbia (perc)

Label / Distribution : ECM

Le label allemand ECM a toujours su mettre en avant des artistes européens de haute volée. Il n’est donc pas étonnant de voir figurer à son catalogue le pianiste italien Stefano Battaglia. Il s’agit en l’occurrence double album : un en sextette et un en quintette où les instruments à cordes prédominent, le fil conducteur étant un hommage à Pier Paolo Pasolini.

Le premier disque nous plonge tout droit au cœur de son univers avec une « Canzone di Laura Betti » très mélodique où les lignes d’accompagnement tenues par le violoncelle d’Aya Shimura et le thème joué par le trompettiste Michael Gassmann placent instantanément l’auditeur en situation d’écoute attentive. « Toto è Ninetto » (où l’on découvre le clarinettiste Mirco Mariottini) et « Frevar » (tiré d’un poème Pasolini) confirment la prédominance de la mélodie. « Il sogno di una cosa », inspiré de la nouvelle éponyme et « Teorema » son plus « planants », sans doute pour traduire les multiples interrogations soulevées par le texte. « Calla » se rapproche de certains trios piano-contrebasse-batterie classiques - l’occasion d’apprécier le savoir faire si particulier du batteur Roberto Dani, tout en finesse, et du contrebassiste Salvatore Maiore. Ce premier volet - où l’on reconnaît aisément les inspirations du pianiste, se conclut par un long thème « Pietra lata » où trompette et clarinette se répondent dans une improvisation représentative de la légèreté de l’ensemble. Façon de montrer que la musique de Battaglia est affaire de dosage subtil…

Le second disque rappelle de par ses intervenants l’univers de Louis Sclavis. Les couleurs sont ici différentes. Qu’espérer de mieux que Vincent Courtois, Dominique Pifarély et Bruno Chevillon - trois des ses compagnons fidèles [1] ? La présence du percussionniste Michele Rabbia sur quelques pistes renforce le côté poétique de cette œuvre conçue comme une succession de courtes pièces où les musiciens sont seuls, à l’exception de trois morceaux. Il ne s’agit donc pas d’un vrai quintette, mais plutôt d’une participation alternée où chacun ajoute à l’écriture des couleurs d’orchestre de chambre en format restreint [2]. L’album est donc une longue suite « Lyra », composée de huit fragments entrecoupés de solos. « Meditazione orale », « Epigrammi » et « Setaccio », par exemple, proposent de manière originale l’idée de « solo étendu » en conviant des instrumentistes qui n’ont plus rien à démontrer en matière d’improvisation. Certaines pièces évoquent l’univers de François Couturier [3] ou de Paul Bley. On appréciera le sens de la précision dans le détail, que la prise de sons dévoile ou, parfois, laisse deviner — le fameux son ECM dans toute sa splendeur. « Ostia » s’inspire de l’assassinat toujour inexpliqué de Pasolini ; d’où la part de mystère planant tout au long de ce titre. « Pasolini » conclut idéalement l’album sur une touche encore une fois très mélodique, à la fois empreinte de nostalgie et de mélancolie généreuse.

par Armel Bloch // Publié le 27 octobre 2008

[1Essentiellement enregistrés chez ECM, d’ailleurs.

[2Majoritairement celui du duo.

[3Également représent au catalogue ECM.