Chronique

Steven Kamperman

Maison Moderne

Steven Kamperman (alto cl, bcl, perc, comp), Oene van Geel (vla), Paul Jarret (g), Albert van Veenendaal (p, b).

Label / Distribution : TryTone

Le mot « moderne » convient tout à fait au clarinettiste Steven Kamperman qui a la particularité de ne pas se laisser enfermer dans un style musical et, par là même, dans un quelconque format de délimitation artistique. Le soin avec lequel il a composé les onze pièces de la thématique originale de Maison Moderne est à l’image de l’existence de l’un grands visionnaires du XXème siècle, Theo van Doesburg.

Avec son nom d’emprunt, marque d’attachement à son beau-père Theodorus Doesburg, Theo van Doesburg a mené de front une carrière de peintre et d’architecte en Hollande, où il fut plus simple pour lui de se livrer à des expérimentations picturales, plutôt que dans un pays imprégné d’un illustre héritage historique. Steven Kamperman lui rend hommage en enregistrant plusieurs compositions dans la Maison-Atelier que Theo van Doesburg a dessinée et construite à Meudon dans les années 1920 pour lui-même et son épouse Nelly.

La visite des différentes pièces de cet édifice se concrétise par de vifs échanges entre les quatre musiciens. Le suspense règne dans « La Bibliothèque - l’amour du vitrail » qui rappelle qu’en 1915 Theo van Doesburg réalisait ses premiers vitraux. Les bribes d’échos de la guitare de Paul Jarret s’insèrent dans les accords du piano d’Albert van Veenendaal. Ce pianiste fut nommé pour un Golden Calf, le prix le plus important du cinéma néerlandais pour le film Flat Earth de Monique Verhoeckx et l’engagement avec lequel il participe à Maison Moderne fait de lui un peintre des sons. La dimension poétique enveloppe « Grand Atelier - l’amour de la lumière » : cette composition aérienne sublime l’alto d’Oene van Geel, remarqué par sa collaboration avec Benoît Delbecq. Le quatuor dessine allègrement des lignes qui intègrent la verticalité, l’horizontalité et les diagonales, reflets d’une géométrie élémentaire qui se fond dans le concept de l’album.

Avec le titre « La Chaufferie - l’amour de la machine », la notion de mécanisme pourrait évoquer le mouvement futuriste du début du XXème siècle, mais c’est ici un autre univers qui s’anime musicalement, la temporalité et l’espace se fondant rythmiquement dans les valeurs architecturales développées il y a un siècle. L’homogénéité du quatuor célèbre le plein et le vide et la composition se recentre sur une relation spatiale qui vise la pureté. Discrètement, les distorsions de la guitare électrique enlacent le cheminement musical.

Fondateur et rédacteur de la revue De Stijl en 1917, Theo van Doesburg y a diffusé des idées néoplasticiennes en compagnie de nombreux artistes dont Piet Mondrian. L’architecture unifie alors tous les arts ainsi que l’industrie et la technique. L’intégration de la musique par le biais des compositions de Steven Kamperman produit une succession dynamique de lignes et de surfaces qui font rejaillir les coloris francs bleu, jaune, rouge de la Maison-atelier de Meudon.