Chronique

Loïs Le Van

Vind 2.0

Loïs Le Van (voc), Sandrine Marchetti (p, piano préparé), Paul Jarret (g, effets)

Label / Distribution : Cristal Records

Loïs Le Van est un chanteur atypique. Différent. Sa musique, bien qu’empruntant à certaines grandes références vocales (pour faire court, de Chet Baker à David Linx en passant par Jeanne Lee et Kurt Elling), est unique. Son style, singulier. Car il y a un style Le Van, à la fois souple et profond, grave et sensuel. Une voix qui n’accroche pas forcément l’oreille du premier coup, qui ne flatte pas, mais dont la chaleur et l’intensité ne peuvent laisser indifférent. Il y a également quelque chose d’étrange chez lui, de décalé qui interpelle. Peut-être la façon de poser sa voix ou son sens de l’espace. On pense à Robert Wyatt, à Thom Yorke aussi. Ne vous laissez donc pas abuser par vos premières impressions d’écoute. Continuez votre chemin. La magie opère au fil des lectures, révélant la beauté insidieuse de ces mélodies.

Car Loïs Le Van est avant tout un formidable mélodiste, un artisan des notes, qui bâtit un univers souvent onirique et ouvragé au fil d’une narration toujours limpide tout en n’hésitant jamais à emprunter des chemins plus tortueux comme le prouvent des morceaux comme « Isolate » et sa guitare saturée à la Radiohead, version Paranoid Android, « Idée fixe » et ses vocalises à la Sigur Rós ou la longue composition « La Poupée près du train ». Et il a trouvé dans le trio qu’il forme avec Sandrine Marchetti [1] et Paul Jarret la formule idéale lui permettant de magnifier son propos.

Le Van, qui d’habitude s’oblige à changer de partenaires de jeu à chaque nouvel album, s’est permis une entorse à sa propre règle, invoquant le fait que ce trio avait encore quelque chose à raconter. Bien lui en a pris, tant Vind 2.0 (suite de Vind sorti en 2019) enchante. Que ce soit sur des morceaux sans paroles (« Bleu », « In G », « Barn På Mattan », « Paulux ») où sa voix officie comme un instrument à part entière, ou dans un format de type chanson (les mélodies sont du chanteur, les paroles de Nicky Schrire [2]), le trio semble en lévitation. L’accompagnement tendre et sensible de Marchetti et la fragilité et la force émotionnelle du jeu de Jarret sont les compléments idoines au lyrisme éthéré du chanteur.

L’album s’éteint sur une version suspendue et particulièrement épurée, d’un morceau du chanteur américain Bernard Ighner « Everything Must Change ». Une reprise, une fois n’est pas coutume chez lui, qui finit doucement de nous emporter dans le monde merveilleux de Loïs Le Van.

par Julien Aunos // Publié le 16 octobre 2022
P.-S. :

[1Un compagnonnage de longue date les unit puisqu’elle était déjà présente sur son tout premier album en sextet The Other Side en 2014.

[2Nicky Schrire est une chanteuse et auteure sud-africaine. Loïs Le Van lui a fait parvenir ses compositions avec un thème joint pour chacune d’entre elles. Charge à l’auteure d’écrire des paroles en rapport.