Chronique

Sullivan Fortner

Solo/Game

Sullivan Fortner (p)

Label / Distribution : Artwork Records

Coup double pour ce pianiste américain connu principalement pour être le compagnon de route habituel de Cécile McLorin-Salvant. Issu des bancs de la prestigieuse Juilliard School de New-York, il a passé une bonne partie de la décennie précédente dans le quintet be-bop du regretté Roy Hargrove, entre autres, avant de se lancer dans une carrière comme leader. Ici, donc, son premier album en solo intégral, composé de deux disques.
Solo, tout d’abord. De son enfance néo-orléanaise, il a gardé un sens du time superlatif, comme s’il était toujours ce minot qui courait la second line aux côtés des marching bands. Les atours baroques dont il pare les standards sélectionnés ici relèvent aussi de son sens de la dignité créole, esquissant des horizons bigarrés et mouvants par un art assumé de la déconstruction. Convoquant aussi bien les mânes d’un Stevie Wonder que d’un Duke Ellington, d’un Antonio Carlos Jobim que d’un Randy Weston, il réalise un tour de force artistique en entremêlant blues lyrique et impressionnisme swing. Gageons qu’avec Fred Hersch comme producteur artistique, il ne peut vouloir que notre bien.

Game, ensuite. En démiurge bienveillant, Sullivan Fortner nous convie dans son imaginaire ludique avec Fender Rhodes, Hammond B-3, synthétiseur, célesta, batterie et percussions connectées, qu’il triture comme s’il s’adonnait à l’art du circuit bending, cet assemblage de jouets électroniques désuets dont les DJ électro les plus pointus font leur miel. En émergent des propositions gospel expérimentales et un flow subliminal aux couleurs poétiques surprenantes.