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Edition du 7 mai 2024 // Citizenjazz.com / ISSN 2102-5487

Les dépêches

Ted Curson Quartet « Spirit of Charles Mingus »

Communiqué :

SPIRIT OF JAZZ PRESENTE :
TED CURSON QUARTET « Spirit of Charles Mingus »

Avec Ted Curson (tp, voc), Michel Sardaby (p), Darryl Hall (b), John Betsch (dm)

TED CURSON : SPIRIT OF CHARLES MINGUS

  • 8 septembre 2008 à 20h30
    Mairie du 13e arrondissement (Salle des fêtes)
    1, place d’Italie -75013 Paris
    Tél. 01 44 08 13 13
    Entrée libre

Evénement de la rentrée, la venue dans le 13e arrondissement du trompettiste Ted Curson, représentant historique du jazz des années soixante, mérite une attention particulière. Sans concession ni hermétisme, avec le vécu authentique d’un jazzman au long cours, Ted Curson a gardé la flamme bop et blues d’un jazz flamboyant. Son style éclatant et sa sonorité percutante sont au diapason d’une personnalité sans concession.

Pour une soirée exceptionnelle, l’esprit de Charles Mingus sera évoqué par Ted Curson, héritier direct du legs musical transmis par le maître Mingus lui-même — souvenons-nous du célèbre concert d’Antibes de 1960 où Ted Curson bataillait ferme avec Bud Powell et Eric Dolphy… Ted Curson relit Mingus — pas question d’une exécution littérale. Car Mingus, c’est avant tout un esprit en constante ébullition, une hargne créative permanente. C’est cette incandescence musicale qui anime Ted Curson et qui constitue le meilleur hommage au grand Mingus et à l’esprit fondateur du jazz. Avec son all-stars parisien, il est décidé à affirmer la vitalité de la musique du maître. Mingus Lives !!

TED CURSON, trompette

Né à en 1935 à Philadelphie, Ted Curson est une personnalité des plus originales : son éclectisme fantasque l’a fait jouer avec le pianiste d’avant-garde Cecil Taylor comme avec les groupes de blues les plus roots. Formé au Granoff Musical Conservatory, il monte à New York à la fin des années cinquante sur les conseils de Miles Davis lui-même. Il fait alors bientôt partie du groupe de Charles Mingus avec lequel il enregistre le célèbre Live in Antibes (1960, Atlantic Records) avec Bud Powell et Eric Dolphy. Il collabore avec Max Roach, John Coltrane, Archie Shepp, Mal Waldron, Philly Joe Jones et ne tarde pas à créer son propre groupe, un splendide quintet co-dirigé avec le saxophoniste Bill Barron. Les années soixante-dix le voient voyager et enregistrer d’excellents albums en France comme Pop Wine (1971, Futura) et Cattin’ Curson (1973, Futura). Pendant toutes les années quatre-vingt, il dirige la jam-session du Blue Note de Greenwich Village à New York et depuis, il ne cesse de trouver de nouveaux contextes où exprimer son invention musicale exubérante.
Figure singulière, prête à toutes les aventures, Ted Curson est un styliste très particulier, mélange d’énergie tendue et de blues qui réserve toujours des surprises. Avec son phrasé explosif et sa sonorité généreuse, il impose une présence indiscutable. Pier Paolo Pasolini s’est même servi de sa musique dans son film Teorema. Sa musique sans frontière le fait passer sans sourciller de Ray Charles à l’avant-garde, de la trompette piccolo au scat.
Juste récompense de sa carrière, il a fait la couverture de Jazz Hot en 1998. Il est également la mascotte officielle du festival de Pori en Finlande depuis 40 ans et fait partie du Spirit of Life Ensemble basé dans le New Jersey : son appétit musical le pousse à se renouveler sans cesse avec tout l’humour dont est capable un artiste aussi sérieusement dévoué à la cause de la musique.

MICHEL SARDABY, piano

Le pianiste Michel Sardaby est né en 1935 à Fort-de-France (Martinique). Cette mémoire caribéenne couplée à son écoute du bebop et son vécu d’une richesse incroyable en ont fait un musicien particulièrement respecté, voire mythique au Japon où l’on s’arrache ses productions.
Son parcours prend naissance dans les années cinquante quand il bénéficie, après ses études à l’Ecole Boulle en 1956, de la présence en France de musiciens exceptionnels et d’un tissu musical vivant avec de multiples clubs. C’est ainsi qu’il joue abondamment avec Dexter Gordon, T-Bone Walker, Sonny Criss, Kenny Clarke, Ben Webster, J.J. Johnson, Chet Baker, Art Taylor, Jimmy Gourley ainsi que les figures marquantes du jazz européen comme Guy Lafitte, René Thomas ou Pierre Michelot.
Sa discographie, d’une qualité rare, retrace des rencontres de qualité, comme avec
Monty Alexander (1984, Carribean Duet) ou Ron Carter (1984, Voyage). Son format favori est le trio où il excelle par sa finesse avec le concours de sections rythmiques toujours remarquablement choisies comme Percy Heath et Connie Kay (1970, Night Cap), Richard Davis et Billy Cobham (1972, In New York), Richard Davis et Billy Hart (1974, Gail), Rufus Reid et Marvin Smitty Smith (1989, Going Places), Jay Leonardt et Albert Tootie Heath (1990, Night Blossom), Buster Williams et Ben Riley (1996, Plays Classics and Ballads) et évidemment Reggie Johnson et John Betsch (1997, Intense Moments). Il ne dédaigne pourtant pas le quintet qui lui valu de belles réussites avec Ralph Moore (ts) et le vétéran Louis Smith (tp), accompagné par les jeunes Peter Washington et Tony Reedus (1992, Straight On). Il a d’ailleurs récemment remis à l’honneur cette formation avec de jeunes new-yorkais, Robert Dickson (ts) et Derrick Garner (tp). Ses derniers albums Karen (2003, avec Reuben Rogers et Dion Parson), At Home (2004, avec Ray Drummond et Winard Harper) et Night in Paris (2006) sont le reflet d’une personnalité dont l’art serein et maîtrisé constitue une leçon de musicalité. Entre Bud Powell et Tommy Flanagan, il est aujourd’hui à un sommet de maturité et de maîtrise de son art. Compositeur ultra-mélodique, soliste souvent émouvant, il ne cesse de relire son propre répertoire tout en revisitant les grandes oeuvres de Duke Ellington ou Thelonious Monk et les standards qui sont le véhicule idéal pour son expression à la fois raffinée et ancrée dans le blues, énergique et construite.
Une grande figure du jazz parmi les plus sous-estimées des trente dernières années…

DARRYL HALL, contrebasse

Né en 1963 à Philadelphie, le contrebassiste Darryl Hall vit désormais à Paris. Il s’y est fait une réputation de professionnalisme indiscutable : il est l’un des contrebassistes parisiens les plus demandés ! Arrivé sur le tard dans le milieu professionnel, Darryl Hall a été distingué par un jury composé de Percy Heath, Charlie Haden, Ron Carter et Chris McBride au concours international du Thelonious Monk Institute qu’il remporte en 1995. Il devient alors le bassiste de Regina Carter puis de Ravi Coltrane.
Aventureux mais ancré dans le respect du jazz, son projet musical est éclectique, de l’ambiance doucereuse au déchaînement énergétique comme le montre son superbe disque sous son nom Subtle Touch. Clarté du phrasé, volonté mélodique : c’est un musicien d’une rare finesse doté d’un swing péremptoire. C’est un très grand mélodiste, mais qui dispose surtout d’une force de propulsion incomparable. Il s’est constitué un univers composite, où voisinent les musiciens de Philadelphie (l’organiste Joey DeFrancesco, la vocaliste Rachelle Ferrell) et les grands noms de l’ancienne génération (le pianiste Hank Jones, l’altiste Sonny Fortune, le pianiste Kenny Barron, les frères Jimmy et Tootie Heath, Benny Golson, Donald Byrd, George Cables, Phil Woods…). Il a également accompagné quelques magnifiques vocalistes comme Mary Stallings, Lavern Butler et Carla Cook. Il a joué au Carnegie Hall de New York avec la pianiste Geri Allen et le légendaire Jimmy Cobb. Son ancrage dans la scène new-yorkaise contemporaine des James Williams, Mulgrew Miller, Tom Harrell, Steve Wilson, Dianne Reeves, Stefon Harris ou Robert Glasper comme ses collaborations avec les meilleurs musiciens de la scène parisienne (Laurent DeWilde, Baptiste Trotignon, David El-Malek, Pierre-Alain Goualch) ont fait de lui un artiste qui compte sur la scène d’aujourd’hui.

JOHN BETSCH, batterie

John Betsch est né en 1945 à Jacksonville (Floride). La musique lui est naturelle car son environnement est décisif : avec une mère organiste et pianiste et une soeur chanteuse lyrique, il débute la batterie à 9 ans. Dès 18 ans, il joue avec le trompettiste Louis Smith. Il étudie à la Fisk University (Nashville, Tennessee) puis à la Berklee School of Music et la University of Massachusetts auprès de Max Roach et Archie Shepp. Musicien et enseignant en université et dans le cadre de programmes d’éducation dans les prisons, il s’installe à New York en 1975 et joue alors avec Jeanne Lee, Abbey Lincoln, Dewey Redman ou Roland Alexander. Il se fait connaître dans un cercle à mi-chemin entre free jazz et bop musclé. Il joue avec Max Roach (Newport 1974), tourne avec Kalaparusha Maurice McIntyre (1976), Abdullah Ibrahim et Dewey Redman (1979). Fidèle accompagnateur de Steve Lacy avec Jean-Jacques Avenel (b), il vit à Paris depuis 1985 et n’a pas manqué d’accompagner de nombreux musiciens dans tous les clubs de la capitale (Katy Roberts, Claudine François, Hal Singer, Alain Jean-Marie, Sarah Morrow…). Sa discographie témoigne d’un univers coloré et ouvert où l’on croise Jim Pepper, Mal Waldron, Kirk Lightsey, Billy Bang, Marilyn Crispell,
Henry Threadgill, Archie Shepp… Styliste surprenant, parfois straight, parfois plus anguleux, il apporte toujours à la musique d’un leader sa personnalité contrastée.

CHARLES MINGUS (1922-1979)

Le contrebassiste et compositeur fait partie des grands noms du jazz. Autant que ses propres performances instrumentales, c’est sa musique libre et ambitieuse qui lui a donné une place parmi les grands compositeurs américains du XXe siècle. Né à Nogales (Arizona) en 1922, Charles Mingus grandit dans le quartier du Watts à Los Angeles. Après des études de contrebasse classique, il joue avec Louis Armstrong (1943) et Lionel Hampton (1947-48) puis Charlie Parker. Il s’installe à New York et devient le leader de différentes formations qui porteront désormais sa marque de fabrique personnelle.

Il continue à accompagner d’autres musiciens comme Duke Ellington, Stan Getz, Art Tatum, Bud Powell ou Dizzy Gillespie et créé son Jazz Workshop ainsi que son propre label appelé Debut Records (1952-55). Chacun de ses groupes constituera un moment particulier de la grande histoire du jazz, qu’il s’agisse de ceux avec Jackie McLean, John Handy, Jimmy Knepper et Booker Ervin ou le célèbre sextet avec Eric Dolphy et Clifford Jordan. Il aura également comme partenaire Roland Kirk, Jaki Byard et plus tardivement Joni Mitchell !

Il a également publié son autobiographie, Beneath The Underdog (1971), un texte littéraire mythique dont la violence est l’image de sa musique, une synthèse habitée faite de gospel, de bebop et d’expérimentation collective. La qualité mélodique de ses compositions en a fait le phare du jazz moderne. Nommé à la chaire de musique Slee de l’université de New York, il y enseigne la composition. Ses oeuvres sont fréquemment utilisées par des compagnies de danse (1972, The Mingus Dances par la Robert Joffrey Ballet Company). Il reçoit également des bourses du National Endowment for the Arts, du Smithsonian Institute et de la Fondation Guggenheim ainsi qu’un diplôme honoraire de Brandeis et une récompense de Yale University. A sa mort, ses cendres sont dispersées dans le Gange. Les villes de New York et de Washington lui consacreront une journée posthume.

Héritier de Duke Ellington, il est lui-même devenu une référence absolue du jazz des cinquante dernières années. S’il fut un grand virtuose de son instrument, son héritage réside surtout dans l’univers cohérent qu’il a réussi à bâtir par son intransigeance et la profondeur structurelle de son écriture, nourrie de blues, de cri et d’interaction collective. Son épouse Sue Mingus poursuit aujourd’hui son oeuvre en préservant sa musique (dons à la Bibliothèque du Congrès) et dans son oeuvre de productrice (Mingus Big Band, Mingus Dynasty).

SPIRIT OF JAZZ ASSOCIATION
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