Chronique

Théo Ceccaldi

Petite Moutarde

Théo Ceccaldi (vln, alto, comp), Alexandra Grimal (ts, ss, sopranino, voix), Ivan Gélugne (b), Florian Satche (dm)

Label / Distribution : ONJAZZ Records

Il paraît que ce qu’on dit ment. Ce n’est pas Théo Ceccaldi qui va nous démentir avec des titres comme Petite Moutarde (pour l’ensemble du CD), mais aussi « Petit Raifort », « Petit piment d’Espelette », « Petit poivre de Sichuan » ou « Petit Gingembre » pour titres des morceaux de la suite. Très français tout ça : cette façon de dissimuler les sentiments sous les jeux de mots, de cacher la profondeur de la musique sous des airs de divertissement. Ce qu’on dit ment, et ne ment pas. Et ce n’est pas le « dromadaire » annoncé dès le début qui y changera quelque chose.

Ensuite, ce qui nous retient dans ce disque (évidemment une pluralité de traits et d’affects) c’est bien sûr la qualité d’écriture - qu’on connaît mais qui se fait entendre ici de façon très explicite - mais aussi et surtout la pertinence des participants. La beauté du son d’Alexandra Grimal au saxophone ténor a quelque chose de stupéfiant. La façon dont elle passe du sopranino à sa propre voix est étonnante de justesse et d’habileté. Ivan Gélugne, qu’on a vu arriver du quartet d’Émile Parisien, fait entendre quelques déboulés d’une précision extrême, avec un son d’une grande plénitude. Quant à Florian Satche il porte le quartet à l’incandescence à deux ou trois reprises, tout en assurant une flamme constante.

Nous avons bien de la chance d’avoir, après Michel Warlop, Stéphane Grappelli ou Jean-Luc Ponty un violoniste de jazz de la trempe de Théo Ceccaldi. Calé sur une technique sans faille, habile compositeur, instrumentiste de haut vol, il est aussi l’incarnation souriante d’une génération de nouveaux talents qui savent ce qu’ils doivent à leurs aînés, et en profitent pour forcer des portes qu’on pourrait imaginer fort closes. « Pourvu que ça dure » disait, paraît-il, Laetitia Bonaparte depuis sa Corse natale. Et Ceccaldi est un nom en provenance de l’île de beauté, que je sache. Ou que je Satche !