Chronique

Cathala/Grimal/Payen Olympe

Live in Montreuil

Sylvain Cathala (ts), Alexandra Grimal (ss, ts), Stéphane Payen (as)

Label / Distribution : Connexe Records

Le trio est décidément la configuration dans laquelle Sylvain Cathala trouve actuellement son aise pour y dérouler son jeu. Après deux disques justement remarqués pour leur qualité (Flow and Cycle avec Sarah Murcia et Christophe Lavergne en 2013, puis en 2014 Live au Sunset en compagnie de Pierre Durand et Franck Vaillant), le saxophoniste réunit aujourd’hui à ses côtés, sur son label Connexe Sphère, le saxophoniste alto Stéphane Payen et la saxophoniste ténor et soprano Alexandra Grimal.

Olympe emprunte son nom à l’Olympic Café à Paris, où ce trio est né. Rien n’empêche de penser pourtant que les dieux se sont penchés au-dessus de ce berceau pour lui insuffler la grâce nécessaire à toute activité artistique. Car un souffle traverse les instruments. D’abord, bien sûr, parce que ces trois saxophones n’en manquent pas. Sans soutien rythmique ni harmonique, livrés à leurs seules anches, ils saturent l’espace de la salle d’une sonorité métallique, dure à l’oreille mais qui a très vite des vertus hypnotiques. Ensuite, parce que l’inspiration dont ils font preuve semble sans limite. Les cinq plages de ce disque sont, en effet, entièrement improvisées.

Quelques traits (claquement de langue, outrance des harmoniques, cris) rappelleront le trio de Joe McPhee, Evan Parker et Daunik Lazro en 1995, mais ce n’est pas dans ce prolongement qu’Olympe se situe. Ce qui frappe avant tout ici, c’est l’émergence d’une musicalité propre à partir d’un bloc sonore. La répétition insistante de motifs donne, en effet, la sensation de tourner autour d’une forme hélicoïdale fissurée de micro-variations d’où s’échappent, comme d’une pièce que l’on forge, les scintillements d’une substance en mouvement. Cependant, si tous trois avancent de front, les fonctions traditionnelles ne sont pas pour autant rejetées. Chaque voix se distingue. Dans « Mais encore », le soprano de Grimal prend un envol délicat et évoque de loin (de très loin sans doute mais on y songe tout de même) un petit air de « The Man I Love » (Gershwin). Ailleurs, dans « Pour finir », la ligne du ténor passe devant quand les deux autres s’acharnent sur une phrase qui, au fur et à mesure, devient couleur. Car tout change et évolue constamment dans ce travail obstiné sur la matière où s’élabore alors un rapport au temps. Les propositions polies, patinées sont usées au point que l’architecture construite se délite et s’épuise d’elle-même. Il faut toute la science de ces trois personnalités pour laisser imaginer que la musique leur échappe, comme si elle aspirait à l’indépendance. Aimée des dieux et dirigée par eux.