Chronique

Halferty - Lavergne - Lavergne

Spiorad Ama

Tommy Halferty (g), Jean-Philippe Lavergne (el org), Christophe Lavergne (dm)

Label / Distribution : Empreinte

L’expérience parle par les voix de ces trois musiciens complémentaires. L’Irlandais Tommy Halferty est reconnu dans son pays comme une figure de proue des musiques improvisées : il a notamment côtoyé Martial Solal, Lee Konitz ou Dave Liebman. Jean-Philippe Lavergne est entièrement dévoué à un instrument caractéristique, l’orgue Hammond, depuis près de trente-cinq ans. Christophe Lavergne enfin est le batteur d’artistes comme Norma Winstone, Marc Ducret, ou Louis Sclavis qu’il a rejoint pour enregistrer le subtil Characters On a Wall.

Le trio orgue Hammond - guitare électrique - batterie a été introduit en jazz par Will Bill Davis et popularisé par Jimmy Smith, Lou Bennett, Larry Young et plus récemment Joey de Francesco. En France, des spécialistes reconnus comme Eddy Louiss ou Emmanuel Bex permirent à cette formule musicale originale de gagner ses lettres de noblesse. Laurens Hammond, père de cet instrument né dans les années 1930, n’aurait sans doute pas imaginé l’engouement qui demeure pour son instrument, presque un siècle après son invention. Le jeu sur l’instrument est particulier : sur la gauche des deux claviers se situe une octave de notes aux couleurs inversées allant, de droite à gauche, du Si au Do. Pour les deux claviers, le Si et le Sib sont en lien avec quatre jeux de neuf tirettes correspondant chacune à une harmonique et qui agissent en variantes du timbre. N’oublions pas Don Leslie, inventeur de la cabine Leslie qui, avec son mouvement rotatif, fait typiquement tournoyer les sons.

Jean-Philippe Lavergne développe un phrasé très intéressant mêlant les sonorités classiques de son orgue à des expérimentations modales. Les instrumentistes réputés à l’orgue Hammond sont passés maîtres pour jouer les basses au pédalier, les accords à la main gauche et les thèmes à la main droite. « Moulins à vents » laisse entendre un remarquable jeu de basse alors que « L’ Estran » propose des sonorités inusitées. L’entente qui règne entre l’orgue et la guitare se confirme avec « To Follow » et « Atlantic », imprégnés d’effluves de Timeless, le deuxième album de John Abercrombie où l’orgue était tenu par Jan Hammer et la batterie par Jack DeJohnette. La profondeur du jeu de guitare de Tommy Halferty s’impose d’emblée dans le bien nommé « Fluide » et, tout au long de l’album, son expressivité musicale apporte des rebondissements succulents : chacune de ses interventions solistes est épatante.

Inspiré par le Lifetime de John McLaughlin et fort d’une association historique et exemplaire inaugurée en 1983, cet éminent trio apporte une bouffée de fraîcheur dans la paysage musical français. Spiorad Ama signifie « l’esprit du temps » en gaélique irlandais, titre qui convient parfaitement à cette musique.