Chronique

Matt Mitchell

Oblong Aplomb

Matt Mitchell (p), Kate Gentile (dm, perc), Ches Smith (dm, gongs, perc, vib, glockenspiel, tam-tam, timpani)

Label / Distribution : Out of Your Head Records

Lorsque le piano se fait rythmicien, on songe à de nombreuses figures marquantes, d’Andrew Hill à Cecil Taylor. Matt Mitchell est de ceux-là mais sa perception des rythmes le conduit à vénérer d’autres maîtres de la polyrythmie : les nombreux batteurs qui ont fait évoluer l’instrument.
La liste sur la pochette du disque Oblong Aplomb en atteste : une petite trentaine de batteurs sont mis en évidence, américains pour la plupart si l’on excepte Han Bennink, Tony Oxley et Paul Lytton, tous étant affranchis de rigueurs métronomiques.

Deux disques et deux partenaires pour Matt Mitchell dans Oblong Aplomb : Kate Gentile , avec qui la complicité n’est pas nouvelle, et Ches Smith qui s’essaie également au vibraphone et au glockenspiel. La partie intitulée Oblong montre combien Kate Gentile fait corps unique avec le pianiste : la télépathie engendre une musicalité où toute interaction est vécue directement avec désinvolture. « Escalatory chicanery » se veut le vecteur de tempos accélérant de manière appuyée tout en anticipant les décélérations du pianiste, l’osmose est parlante. Une phase de dramatisation intériorisée se joue sur la longue pièce « Slarm biffle ». L’expérience partagée par la géniale Kate Gentile avec Matt Mitchell au sein de Snark Horse ou du sextette Phalanx Ambassadors parle ici, c’est une intrication qui se révèle avec une frénésie sans faille.
La partie Aplomb, qui fait intervenir Ches Smith, dévoile des ambiances plus distendues comme dans « Ingenuous » grâce aux diverses couleurs apportées par le batteur. « Concentricals » offre l’occasion d’apprécier son jeu pertinent aux cymbales, le drumming s’accolant majestueusement à l’expressivité du piano. C’est avec la pièce « Inveiglers » que se dévoile la facilité avec laquelle se télescopent les deux instrumentistes ; les changements de climats enrichissent les harmonies.

Musiques foisonnantes avant tout, répercutant les échos de lointains souvenirs de l’union sacrée entre Cecil Taylor et Max Roach, Oblong Aplomb, avec ses vingt-quatre pièces, offre deux facettes de forte densité, l’une où la juxtaposition est évidente avec Kate Gentile et la seconde plus lyrique et délassante en compagnie de Ches Smith. Ces alternances sont de facto nécessaires à l’épanouissement des mondes fluctuants de Matt Mitchell.