Chronique

Tony Hymas

De l’origine du monde

Monica Brett-Crowther/Marie Thollot chant ; Violeta Ferrer/Nathalie Richard voix ; Hélène Breschand harpe ; Janick Martin accordéon diatonique ; Didier Petit cello ; Tony Hymas : piano ; Sonia Slany String and Wind Ensemble

Label / Distribution : Nato

Le tableau de Courbet m’a toujours plongé dans un abîme de réflexions sans fin, tel l’effort à me représenter le big bang.
Là où l’astrophysique génère encore une angoisse indicible, la culture physique me caresse dans le sens du poil. Du sexe de ma mère à ceux de mes partenaires, voire de ma sœur ou ma fille, je ne peux souffler mot.
Des souvenirs qui se confondent, cher Jacques Lacan (acquéreur du tableau en 1955 pour le cacher derrière une toile de son beau-frère Masson). Chaque syllabe s’égrène dans l’ombre, mystérieuse ou révélatrice. Les atomes s’accrochent aux lèvres comme les notes de la valse des sphères imaginée par le compositeur Tony Hymas ou l’escalier infini de ses grappes de croches.
Son album qui vient de paraître sur le label nato ressemble à la musique d’un film impossible à tourner, une volée de cordes vertes, la chair de l’orchidée, le goût de l’espoir, la vie retrouvée. Enregistrée avec le Sonia Slany String and Wind Ensemble, sa suite De l’origine du monde peint une fresque cruelle sur le mur des Fédérés. La tendresse noie toute colère dans un océan d’archets où flottent les voix de Violeta Ferrer et Nathalie Richard pour rappeler que cinq ans plus tard, le Maître peintre d’Ornans fut, en 1871, l’un des acteurs de la Commune de Paris.
Condamné à payer de sa poche la réédification de la colonne Vendôme, symbole de la barbarie qu’il avait suggéré d’abattre, et acculé à la ruine, il mourra en 1877, avant la première traite.
De L’origine du monde au commencement de notre ère, de l’éternité à l’instant présent, il n’y a qu’un pas que Tony Hymas, épaulé par le producteur Jean Rochard, franchit comme l’Èbre ou le Rubicon, le cœur aussi haut que le poing.
Aussi, les chants de Marie Thollot et Monica Brett-Crowther ne sont pas d’Élysée. Ils incarnent la Résistance. L’accordéon de Janick Martin vient en renfort du piano de Hymas, avec en perspective la harpe d’Hélène Breschand et le violoncelle de Didier Petit. La peinture est encore fraîche. S’y fondent les images d’un épais et somptueux livret illustré par Benjamin Bouchet, Daniel Cacouault, Stéphane Courvoisier, Chloé Cruchaudet, Nathalie Ferlut, Sylvie Fontaine, Simon Goinard Phélipot, Stéphane Levallois, Jeanne Puchol, Rocco, Eloi Valat, Zou et, torgnole salutaire, Gustave Courbet.
Le label nato (dist. L’autre distribution) répond à la crise de l’industrie phonographique en publiant cet obscur objet du désir, 112 pages à savourer en musique…

Ce texte a initialement paru sur le site Drame.org. La rédaction remercie l’auteur.