Chronique

Tony Malaby’s Novela

Floating Head

Tony Malaby (ss, ts, comp), Kris Davis (p, arr)

Label / Distribution : Clean Feed

Avec cet album, Tony Malaby se lance dans un nouvel exercice : en collaboration avec la pianiste Kris Davis, qui signe les arrangements, il redessine son univers à l’aide d’un nonet, reprenant des compositions issues de précédents albums (Tamarindo, Warblepeck, Cosas, Sabino) pour les voir renaître sous un nouveau jour. Ses compositions sont exceptionnelles en ce qu’elles ménagent la liberté des grands improvisateurs qui l’ont toujours entouré tout en étant passionnantes d’un point de vue mélodique et harmonique. On a tendance à l’oublier, tant ses derniers albums en leader font la part belle à l’improvisation, mais Malaby est un grand compositeur. On dira même que son talent débouche sur des interventions improvisées toujours magistralement agencées, pensées et exécutées.

Novela est un nonet à la forme originale : seuls le piano (dont les apparitions sont limitées) et la batterie ont réussi à se frayer un chemin parmi les saxophones (soprano, alto, ténor, baryton), les cuivres (trompette, trombone, tuba) et la clarinette basse. On imagine le plaisir qu’ont dû prendre Malaby et Davis à retravailler les compositions avec cet orchestre en tête, le jeu sur les textures, les dynamiques, les confrontations à faire naître. En huit morceaux, ils nous font traverser le monde du saxophoniste avec subtilité, et redécouvrir ces morceaux sous d’autres formes.

Dès « Floating Head », on est captivé par le son de l’ensemble. Grâce à ce crescendo souple mais puissant, portée par la paire Dan Peck et John Hollenbeck, la musique prend son envol, tout comme le soprano de Malaby qui est comme en lévitation au-dessus de la masse sonore caressante et stimulante arrangée par Davis. Cette impression que la Canadienne lui a tissé un cocon où s’épanouir, on la retrouvera souvent, par exemple sur « Floral & Herbaceous , « Cosas » et « Remolino ». Mais le travail de Kris Davis va au-delà de ce petit nid douillet qui pourrait s’avérer dangereux sur la longueur. Elle puise dans les possibilités offertes par le nonet et les compositions pour brasser improvisations et parties écrites, unissons et contrepoints, le jeu de questions-réponses entre le soliste et les autres musiciens. Chaque intervention est à sa place, l’équilibre est parfait. Elle joue magistralement avec les textures des instruments en amenant naturellement les solos (cf. le ténor à la fin de « Floral… ». Soulignons les contributions de Ralph Alessi sur ce même morceau, de Hollenbeck sur « Warblepeck » et « Remolino », et de Michael Attias sur « Cosas », tous collaborateurs réguliers de Malaby et qui apportent leur talent propre.

La grande qualité de cet album tient bien sûr aux compositions mais également, on l’aura compris, à la manière dont Kris Davis les a orchestrées en magnifiant le matériau originel. Une réussite due probablement à une collaboration qui remonte maintenant à une décennie, comme le souligne Malaby dans les notes de pochette. A l’écoute de Floating Head on peut penser au « Large Ensemble » de John Hollenbeck (dont Malaby fait partie) ou à certaines œuvres orchestrales de Satoko Fuji.


Tony Malaby (ss, ts, composition), Kris Davis (p, arr), John Hollenbeck (dm, perc), Michael Attias (as), Ralph Alessi (tp), Joachim Badenhorst (bcl), Andrew Hadro (bs), Ben Gerstein (tb), Dan Peck (tu)