Chronique

Uwe Oberg

Work

Uwe Oberg (p)

Label / Distribution : Hatology / Harmonia Mundi

On pensait le pianiste allemand Uwe Oberg homme de petites formations. Amateur de relations intimes, en duo, avec Evan Parker ou sa compatriote Silke Eberhard, avec qui il prépare un très attendu Turns. De constructions subtiles en trio, en compagnie notamment du tromboniste Christof Thewes, qui lui valurent, avec un remarqué Lacy Pool, les honneurs du prestigieux label HatHut. A la grande rigueur de quartets, avec quelques fortes têtes de la scène européenne tel le contrebassiste Wilbert De Joode (Rope). Ce serait oublier qu’Oberg apprécie également l’exercice soliste, que Twice, at Least, paru en 2015, documente à merveille.

Work, de nouveau publié en 2015 chez HatHut, est antérieur à cet album. Enregistré en 2008, il a mûri près de huit ans avant de voir le jour ; un curieux parallèle avec la musique proposée par le pianiste. Si le titre s’inspire d’un morceau de Thelonious Monk qui clôt une succession de compositions raffinées et de standards, il exprime surtout une conception acharnée, opiniâtre de l’improvisation. Monk est un maître pour l’Allemand, c’est une évidence : on l’entend dans une composition comme « Hill », mais surtout dans cette reprise quasi mimétique de « Pannonica ». Qu’il soit de Monk ou de Wyatt (« Muddy Mouse »), chaque titre est étudié, déconstruit avec soin ; la moindre note est scrutée dans toutes ses dimensions pour en saisir l’articulation juste et la capacité à se transcender, voire à muter absolument comme une maille qui se détricote. Il en résulte une approche à la fois cubiste et foisonnante de détails, à l’instar du « Fables of Faubus / W.R.U  » qui mélange en un lent et délicieux fondu-image deux morceaux où quelques raucités de Mingus persisteraient dans la main gauche anguleuse qui laisse Coleman discourir.

La dichotomie parfois troublante entre deux langages permet au pianiste de développer son propre univers, fait d’allers-retours constants entre sa formation classique et ces standards dont il connaît chaque recoin mais qu’il continue à visiter avec un œil curieux, cherchant toujours la moindre déviation possible. Art Lange, dans les notes de pochette de Work, évoque l’importance de Braxton dans la musique de Uwe Oberg. Cette recherche tenace de nouvelles grammaires dans les anciens ouvrages en est le témoignage, comme un instantané d’un travail en constant fignolage.