Chronique

Vincentz, Brown, Hart & Harrell

Is That So ?

Niels Vincentz (s), Cameron Brown (b), Billy Hart (dms), Tom Harrell (tp)

Label / Distribution : Stunt Records

Is That So ? est le sixième album studio du saxophoniste Niels Vincentz. Depuis trois ans, et la parution de son quatrième album, Early Reflections, il raffine, avec son bassiste Cameron Brown et Billy Hart à la batterie, une formule économe, dense et sèche. Il avait certes marqué son goût pour le trio dès ses premiers enregistrements, avec Butterfly Effect en 2005 (avec Eske Nørrelykke à la basse et Kresten Osgood à la batterie) et You Should Not Do This If You Are in A Hurry, en trio + 1 avec Chris Potter en guest star au sax alto, mais sans trouver l’équilibre que lui apportent Hart et Brown.

Is That So ? confirme que telle est bel et bien sa formule de prédilection, celle aussi où son talent s’exprime avec le plus d’aise et d’espace : Art nouveau, en sextet (2008), souffrait un peu d’un trop-plein d’instruments. Is That So ? explore sept compositions originales (cinq de Vincentz et deux de Brown) et reprend le très célèbre « Hot House » de Tadd Dameron avec une totale économie de moyens.

« Is That So ? », signé Brown, clôt le disque. L’auteur y conte, par-dessus un saxophone réduit à quelques traits mélodiques et une batterie déstructurée, l’histoire d’un maître zen qui accueillait avec une humeur égale les bonnes et les mauvaises nouvelles, de façon que le monde ne décide jamais à sa place de son bonheur ou de son malheur. Cette composition livre, a posteriori, le programme du disque. Le jeu des musiciens est à la fois énergique et recueilli. Le groupe joue souvent piano, mais ses brusques et brefs éclats de vigueur font irruption avec un rare sens de l’à-propos et du contraste. Le style de Billy Hart, qui vise ici la clarté et la précision avant la force et la virtuosité, donne sa colonne vertébrale à l’ensemble, pendant que Vincentz développe ses thèmes en jouant le plus souvent straight.

Is That So ? ne se borne pourtant pas à creuser le sillon de l’exercice du trio, car les musiciens ont fait le choix ici d’une relative mise en danger en conviant Tom Harrell. Le jeu fluide et doux de celui-ci contraste parfaitement avec le style plus anguleux et tranchant de Vincentz. Qu’il harmonise ou conduise un deuxième thème en contrepoint du premier, il apporte toujours la touche de déséquilibre qui empêche le trio de se reposer et d’aller trop rapidement droit au but. Le trompettiste est comme l’inconnue de l’équation, le terme qui pousse le groupe à permuter les éléments de sa musique et à en relancer le mouvement. Même si c’est l’apologue du maître zen Hakuin qui clôt le disque par une leçon d’indifférence au monde, Harrell fait entendre que les musiciens préfèrent, malgré tout, un peu d’inquiétude et d’instabilité à la parfaite ataraxie.