Chronique

Jacques Vidal Quintet

Hymn

Pierrick Pédron (as), Daniel Zimmermann (tb), Richard Turegano (p), Jacques Vidal (b), Philippe Soirat (dms).

Label / Distribution : Soupir Editions / Socadisc

Nul ne contestera les vertus du sport, et la pratique du vélo en particulier, surtout en ces temps d’exigence écologique. Toutefois, Jacques Vidal ne nous en voudra pas, soyons-en certains, de reconnaître aussi les bienfaits d’un accident de bicyclette qui l’a immobilisé suffisamment longtemps pour mettre à profit sa convalescence en composant un nouveau répertoire. Une excellente nouvelle en provenance de celui qui fut il y a bien longtemps le premier et éphémère bassiste de Magma (en 1969) et dont on connaît l’attachement profond à Charles Mingus auquel il a consacré plusieurs disques [1] au cours de la période récente. Après ces célébrations, il y a en effet un réel plaisir à le savoir occupé à une nouvelle entreprise qui a donné naissance à Hymn, son dernier disque en quintet.

On retrouve Jacques Vidal entouré d’une poignée d’amis dont certains sont des fidèles de longue date, et avec lesquels il parle le même langage conjugué au temps présent. C’est aussi pour lui l’occasion de faire entendre un piano, instrument auquel il n’avait pas fait appel depuis quelque temps. Hymn est un plaidoyer pour un jeu à l’instinct, sans calcul ; il offre une musique habitée dont on se surprend à chanter les thèmes, quand ils ne donnent pas une furieuse envie de bouger (« To Dance », « Spirit », « Phrygian Mode », « Funky Blues »). Parfois, l’émotion affleure le temps d’une ballade (« Alice ») ou lorsque Mingus vient pointer le bout de son nez dans une composition qui lui est dédiée (« Charles Mingus’ Sound Of Love »). Le contrebassiste a composé en pensant à ses quatre maîtres chanteurs ; il a souhaité leur offrir des espaces de liberté pour mieux les mettre en valeur : Pierrick Pédron (saxophone alto), Daniel Zimmermann (trombone), Richard Turegano (piano) et Philippe Soirat (batterie). Pas besoin d’attendre longtemps pour savoir que les deux soufflants sont à la fête, eux dont le jeu est un éclat de joie permanent, leur complicité nourrissant une conversation fiévreuse. Ils parlent vrai, poussés par un trio rythmique qui se connaît sur le bout des doigts, au sein duquel Soirat œuvre avec la justesse et la précision qu’on lui connaît depuis de longues années maintenant [2]. Jacques Vidal, quant à lui, est à l’évidence dans un état de jubilation qui traverse le disque de part en part. On est heureux pour lui.

L’une des compositions s’appelle « Jazz Attitude » : elle aurait pu constituer un bon titre alternatif pour ce disque de la plénitude. Car ce jazz-là, débordant de vie, est de ceux qui vous rappellent qu’il ne suffit pas de le jouer pour qu’il existe. Il faut le porter au plus profond de soi, ressentir chacune de ses vibrations et désirer le transmettre en droite ligne du cœur et des tripes. C’est ce petit miracle qu’accomplit Hymn.