Chronique

Xavier Daverat

Tombeau de John Coltrane

C’est une sorte de somme que vient de publier Xavier Daverat, qui affiche son ambition dès la première ligne : “Ce livre n’est pas, comme on dit, un ouvrage sur John Coltrane ; il vise plutôt à nous faire partager ce que John Coltrane nous apprend de l’essence du jazz.”

On trouvera donc ici des analyses méticuleuses et extrêmement documentées sur toute la production coltranienne, ses influences supposées et réelles, et les influences qu’il a lui-même exercées sur tant de musiciens. Mais aussi des mises en perspective qui, pour certaines, ne sont pas nouvelles mais sont plus - et souvent mieux - qu’ailleurs, explicitées et argumentées. D’autres sont plus originales et souvent particulièrement éclairantes.

L’ouvrage porte en exergue une citation du poète Yves Bonnefoy qui ouvre donc « littérairement » ce Tombeau au titre déjà si littéraire. Tout au long de l’ouvrage, Daverat cite d’ailleurs en abondance – qui ne nuit nullement à la lecture mais enrichit le propos – musiciens, critiques mais aussi écrivains, philosophes, psychanalystes, sociologues, etc. Ces références sont toutes pertinentes et choisies avec une attention intellectuelle très exigeante.

La seconde partie (et non la moindre, quantitativement) tente d’analyser ce qu’il y a de Coltrane (“Qu’est-ce que le coltranisme ?”, s’interroge l’auteur au long de ces 135 pages en corps dix) dans la musique de nombreux saxophonistes, ici classés par ordre alphabétique. On voit la méticulosité de l’entreprise.

On peut toutefois se demander si ce qui demeurera une référence atteint vraiment son but : décrire « l’essence du jazz ». Encore faudrait-il, en effet, s’entendre sur le terme non pas de « jazz » - car il n’est pas certain que cela soit possible -, mais d’« essence ». Présupposer qu’il n’y en ait qu’une, c’est déjà audacieux quand on sait la multiplicité et la diversité parfois si contradictoires de ces musiques. De plus, et malgré sa connaissance précise du sujet, l’auteur, empruntant les voies de l’analyse musicologique ou historique, peine à répondre de façon convaincante à l’attente qu’il a lui-même suscitée. S’il avait poussé plus loin – avec encore plus d’audace ? – la mise en résonance de la littérature, de la philosophie, et des autres disciplines qu’il convoque avec beaucoup d’à-propos, peut-être aurions-nous découvert des chemins plus fertiles. Ce Tombeau n’en demeure pas moins un hommage inoubliable à John Coltrane et au jazz dans son ensemble.

par Michel Arcens // Publié le 21 mai 2012
P.-S. :

Éditions Parenthèses, collection Eupalinos, diffusion Harmonia Mundi)