Chronique

John Coltrane

63 : New Directions

John Coltrane (ts, ss), McCoy Tyner (p), Jimmy Garrison (b), Elvin Jones (dms), Roy Haynes (dms), Johnny Hartman (voc).

Label / Distribution : Impulse !

Impulse Records tenterait-il de surfer sur la vague de Both Directions At Once - The Lost Album ? On se souvient que l’exhumation, l’an passé, d’une session « disparue » et enregistrée le 6 mars 1963 par le quartet de John Coltrane avait rencontré un indéniable succès commercial et qu’au-delà de son intérêt historique, la musique du saxophoniste se trouvait placée à nouveau au cœur du tourbillon jazz, plus d’un demi-siècle plus tard. Mais avec la parution de 63 : New Directions, dont le titre fait sans le moindre doute écho à ce disque inespéré, on est en droit de se poser quelques questions.

Parce qu’il faut le préciser d’emblée : il n’y a rien de nouveau dans ce coffret de trois CD, décliné par ailleurs en une version de cinq LP. De quoi s’agit-il donc ? De l’ensemble des enregistrements, studio ou live, effectués au cours de l’année 1963 et qui avaient déjà été publiés sous diverses formes chez Impulse. Cette fois, l’argument est double : 1963 est une année charnière pour Coltrane, avant son grand envol mystique qui aboutira en 1964 à A Love Supreme ; l’autre prétexte est la présentation respectueuse de l’ordre chronologique des enregistrements. Soit.

On retrouve donc tout l’album New Directions At Once (6 mars 1963) suivi de John Coltrane & Johnny Hartman (7 mars 1963). Puis deux titres extraits de Dear Old Stockholm enregistrés le 29 avril (« Dear Old Stockholm » et « After The Rain »), sachant que les autres compositions de ce troisième disque avaient été enregistrées le 26 mai 1965, l’ensemble étant présenté en son temps comme un tout cohérent dans la mesure où le batteur du quartet était alors Roy Haynes, remplaçant Elvin Jones aux prises avec quelques soucis de drogue. Très logiquement, ces deux titres ne trouvent pas leur place ici. Viennent ensuite trois compositions de Newport ’63, un live enregistré le 7 juillet (avec Roy Haynes également), sachant que dans son édition de 1993, ce disque présentait aussi un extrait de Live At The Village Vanguard, remontant à… novembre 1961 ! Vous suivez toujours ? Alors vous devrez savoir que 63 : New Directions inclut aussi Coltrane Live At Birdland, un disque pas exclusivement live malgré son titre : si trois compositions ont bien été enregistrées au Birdland le 8 octobre (« Afro Blue », « I Want To Talk About You » et « The Promise »), deux autres le furent en studio, le 18 novembre (« Alabama » et « Your Lady »). Histoire de décrypter un peu mieux la politique de réédition, on n’oubliera pas que Live At Birdland incluait aussi dans sa version de 1996 « Vilia », seule émanation à l’époque de la session studio du 6 mars tout récemment mise au jour. À ce stade d’information, vous n’ignorez plus rien.

63 : New Directions s’adresse sans doute aux collectionneurs, peut-être aussi à celles et ceux dont la discographie coltranienne serait lacunaire et qui trouveront là un moyen simple de combler un vide. Si sa cohérence temporelle n’est pas forcément artistique (quel grand écart par exemple entre le langoureux John Coltrane & Johnny Hartman et l’abrasif Newport ’63 !), le coffret est toutefois l’occasion de vivre ou revivre de grands moments. Pour le somptueux chorus en forme de coda que John Coltrane livre en conclusion de « I Want To Talk About You », pour la version brûlante de « My Favorite Things » à Newport, pour la beauté recueillie de « Alabama », pour la rencontre éphémère et charmeuse, presque surannée, avec le crooner Hartmann, cet objet musical à prix modéré vaut néanmoins le détour.

En attendant Coltrane ’61, Coltrane ’62, Coltrane ’64, Coltrane ’65, Coltrane ’66 et Coltrane ’67 ? Allez savoir… Surtout que Prestige vient de son côté de dégainer un Coltrane ’58 plus que séduisant, à défaut d’offrir un contenu inédit. Chez Atlantic, troisième label majeur de John Coltrane, on a terminé le travail depuis longtemps avec le coffret The Heavyweight Champion, qui couvre les sessions studio des années 1959 à 1961 avec une remarquable exhaustivité.