Chronique

John Coltrane The Wise One

Nicolas Fily

Label / Distribution : Le Mot et le Reste

Une énième bio consacrée au Souffleur Suprême ?
Quand un dénommé Fily s’empare du destin d’un natif de Philly - John Coltrane avait vu le jour à Philadelphie - il y a comme une gémellité virtuelle qui se noue. Pour autant, l’auteur est bien de notre époque : né en 1983, Nicolas Fily a trempé dans l’organisation des Trans Musicales de Rennes, s’est fait disquaire entre Bretagne et Belgique, sans négliger de livrer des chroniques de jazz incisives pour le webzine Goûte Mes Disques. C’est d’ailleurs là qu’il fait la différence : comparaison des nappes de son coltraniennes à la limpidité du flow d’un MC, référence au Velvet Underground, à Muse, aux musiques actuelles les plus pointues concernant la version de « My Favourite Things » sur le « Olatunji concert » de 1964 - qui réconcilierait, le temps de ses 34 minutes, les « fans de métal expérimental et autres musiques post-genre avec le jazz »…
Une décontextualisation finalement bien sentie, qui pourrait amener les non-jazzophiles à découvrir l’œuvre coltranienne.

Nicolas Fily a des lettres, convoquant Paul Valéry, André Breton, Umberto Eco, Aldous Huxley, Deleuze et Guattari toujours à bon escient. Certes, il n’est pas musicologue comme Lewis Porter, dont le « John Coltrane : sa vie, sa musique » (éditions Outre-Mesure, 1998) a fait date. Mais justement, il donne peut-être plus d’appétence pour l’œuvre et la geste coltraniennes par le lien qu’il établit entre le graphisme des pochettes et l’évolution musicale de son personnage, par sa remarquable vulgarisation des « Coltrane Changes » (ces modules musicaux vibratoires émergeant dès l’album « Giant Steps »), ou encore par des chroniques sensibles des albums et de leur réception par la critique de l’époque.

L’usage récurrent du terme « climax », dont les acceptions peuvent être à la fois écologiques et orgasmiques, renforce l’envie de s’envoler vers la galaxie coltranienne, dont des périodes négligées se voient redonner toute leur valeur (le compagnonnage avec le batteur Rashied Ali notamment). Par son style précis, voire mélodique, notamment dans l’utilisation des adjectifs, et par la convocation de sources nombreuses et maîtrisées, Fily dépoussière la critique coltranienne et donne simplement envie de se replonger dans une Œuvre Suprême.