Scènes

1001 vies de We Don’t Imagine Anymore

« We Don’t Imagine Anymore », le projet créé et composé par la batteuse norvégienne Veslemøy Narvesen


Veslemøy Narvesen © Berre Productions

J’ai eu la chance de voir à plusieurs reprises « We Don’t Imagine Anymore », le projet créé et composé par la batteuse norvégienne Veslemøy Narvesen. Il a été présenté pour la première fois en août 2021 au cours de l’Oslo Jazz festival, après que la musicienne a reçu le Prix Usbl Jazztalent l’année précédente. Il s’agissait d’une bourse à la création d’un montant de 3000 €. « WDIA » est le résultat de cet investissement.

Veslemøy Narvessen © Jarle H. Moo

Dans une salle bondée, Victoria, la scène nationale de jazz d’Oslo, le sextet composé de Jakob Nordli Leirvik au chant, Amund Storløkken Åse au vibraphone, Håvard Aufles, remplaçant au dernier moment Anja Lauvdal aux claviers, Eirik Hegdal au saxophone et Nicolas Leirtrø à la contrebasse, se présente timidement, comme on ouvre la porte d’un lieu inconnu. En marge de l’ouverture officielle et sans la présence des ministres, il s’agit tout de même d’un baptême du feu pour la jeune musicienne (24 ans !). Les cœurs battent fort.

Distribuant les cartes avec humilité et précaution (elle signe toutes les compositions et les paroles), Veslemøy Narvesen, au centre à la batterie, s’ouvre et se détend au bout de quelques minutes. Mélodies et refrains pop, arrangements jazz d’une grande liberté harmonique, musique de chambre, elle convoque tous ces genres et semble elle-même éblouie par les couleurs et images qui naissent et s’agrègent sur scène pendant une heure que dure le concert. Une grande première, teintée d’émotion pure. Sans prétention, avec la délicatesse d’un voile qui se soulève, cette musique sortie de l’œuf irradie le public. Sans doute parce qu’elle embrasse et se reçoit comme un baiser. Entre deux vagues de restrictions covidées, c’est peu dire que cela fait du bien. À l’issue du concert, la salle est debout. Cela n’arrive pas si souvent.
Il nous en reste cet enregistrement :

Deux jours plus tard, dans une autre salle du festival, Veslemøy Narvesen rejoint au débotté le Supersonic Orchestra, grand orchestre de quinze membres musclés menés par un autre batteur, Gard Nilssen. En remplacement de Håkon Mjåset Johansen, l’un des trois batteurs du projet qui n’a pu arriver au festival, Veslemøy s’installe derrière les fûts et s’impose, cette fois-ci grâce à la puissance de son jeu. Incroyable performance. Nous prenons tous conscience que nous assistons à la naissance d’une géante.

Veslemøy Narvesen © Thor Egil Leirtro

Depuis, We Dont Imagine Anymore a grandi et s’est produit en tournée en Norvège - je me souviens d’un très beau showcase à Bergen à l’occasion du festival Natt Jazz. La percussionniste-compositrice assure désormais elle-même les parties chantées. Leur premier album est en cours d’enregistrement. Réduit aujourd’hui à la forme d’un trio piano-contrebasse-batterie, l’ensemble accueille parfois « en guest » le son si doux du saxophoniste Eirik Hegdal, présent au début du projet. Veslemøy me confie qu’elle invitera d’autres voix, au gré des envies et des occasions. Un groupe à l’image de sa créatrice : généreux, doux, sincère.