Il était inconcevable que cette rencontre n’ait pas lieu tant elle paraît évidente maintenant que le disque existe. Réunis pour l’occasion, et sans préméditation, lors d’un concert tenu à Coimbra au Portugal en octobre 2016, Eve Risser et Marcelo dos Reis s’accordent, en effet, sur bien des points dans la manière de fabriquer de la musique. Associant les cordes d’un piano, préparé ou non, à celles d’une guitare acoustique subissant le même sort, les deux parties de ce duo portent la même attention à l’exploration des possibilités étendues de leur instrument ; ces derniers finissent, d’ailleurs, malgré leur différence de taille, par ne former qu’une entité.
Par divers procédés de frottement, grattage ou percussion, un monde de clés, cloches, xylo- et lithophones est évoqué et couvre un spectre large où miroitent des sonorités pleines et raffinées. Trouvant naturellement sa place dans un agencement machinique qui semble naître de lui-même, l’élégance de ce luxe de nuances aboutit à la mise en place d’une arithmétique sensuelle. Cet enchevêtrement de rouages de plus en plus complexes, où chaque variable de son devient la pièce indispensable au fonctionnement d’un tout plus grand, résout un des paradoxes de la musique qui joue avec le temps pour mieux le suspendre.
Les individualités qui l’incarnent ne sont toutefois pas annihilées, bien au contraire. Le soutien pulsatile ou harmonique du guitariste fouette avec conviction l’espace par des accords secs (“Chronometer”) ou égrène des arpèges obliques. Il offre une échappatoire à l’implacabilité d’un piano obsédé par la répétition (“Time Wheel”). Cette écoute mutuelle révèle deux sensibilités et la forme tragique que prend le titre “Pendulum” est un bon exemple de l’équilibre atteint entre une précision millimétrée et une émotion juste.