Chronique

African Jazz Roots

Seetu

Ablaye Cissoko (kora), Sophia Domancich (p), Jean-Philippe Viret (b), Ibrahima « Ibou » Ndir (calebasses), Simon Goubert (dms, p).

Label / Distribution : PeeWee !

Seetu signifie « reflet » ou « miroir » en wolof. C’est peut-être parce qu’il se joue ici une musique de l’âme, profondément réflexive et porteuse d’une humanité peu commune, que Simon Goubert, Ablaye Cissoko et leurs partenaires d’African Jazz Roots ont intitulé ainsi leur troisième rendez-vous discographique, après African Jazz Roots en 2012 et Au loin en 2017.

Spiritualité, générosité et joie traversent de part en part cette heure de musique solaire commençant par la composition-titre au début de laquelle on peut entendre la kora citer « Spiritual » de John Coltrane. Rien d’étonnant à cela quand on sait à quel point le saxophoniste compte dans le chemin musical de Simon Goubert, qui a composé ce thème initial. Le ton est donné, il s’agit bien de lever les yeux vers le ciel et de laisser parler son cœur, sans calcul.

Quelques exemples illustreront la hauteur de ce disque empreint de noblesse. Ablaye Cissoko et Sophia Domancich (piano) jouent souvent à l’unisson, leurs élans mélodiques trouvent de magnifiques exutoires lors de ballades émouvantes (« La Langue de Barbarie », « Réflexions du jour »). Ibrahima « Ibou » Ndir, nouveau venu dans l’histoire, vient confronter ses calebasses à la batterie de Goubert ; il fera montre un peu plus tard de toute sa créativité dans un passionnant dialogue avec Cissoko lors de l’ouverture de « Manssani Cissé », qui très vite vous embarque dans une longue montée en tension. Mais une tension heureuse. Le cœur bat de plus en plus fort. Admirable groupe – soutenu à merveille par la contrebasse habitée de Jean-Philippe Viret – qui s’épanouit dans l’exultation du « Jour des régates », prétexte d’une joute de toute beauté entre la kora et le piano. L’une des compositions, signée Simon Goubert, résume à elle-seule ce répertoire enchanté : « D’une évidence à l’autre », peut-être le sommet du disque, quand le piano résonne de quelques échos en provenance de Kobaïa, une planète que fréquente assidument le batteur, nous rappelant au passage qu’il est aussi pianiste. Oui, tout semble évident, la musique coule telle une source d’eau claire entre ombre et lumière. Du début à la fin, de beauté en beauté : le traditionnel « Sundjata » vous donnera le frisson, celui du plaisir ; « Café Touba », conclusion du disque, vous invitera à la paix, par la kora et la voix d’Ablaye Cissoko.

Afrique et Occident main dans la main, pour le meilleur et le meilleur. Comme une affirmation nécessaire en nos temps où l’autre est souvent regardé comme une menace. Avec cet album qui constitue sans doute son témoignage le plus accompli en une dizaine d’années, African Jazz Roots pose de nouveaux jalons dans un parcours traversé par une vibration essentielle, celle de la vie. On se dit que cette histoire magnifique ne fait que commencer, c’est du moins ce dont on rêve. Un point… Seetu !