
Alain Bédard Auguste Quartet
Particules sonores
Mario Allard (ss, as, ts, bs), Marie Fatima Rudolf (p), Alain Bédard (b), Michel Lambert (d).
Label / Distribution : Effendi Records
Si Ferdinand von Lindemann est parvenu à démontrer en 1882 que la quadrature du cercle est impossible, Alain Bédard arrive lui à positionner chacun des membres de son quartet dans un espace circulaire sans que l’un d’entre eux ne devienne envahissant. « Mel & Less » en est le parfait exemple, concis tout en étant chantant, équilibré dans la part dévolue aux quatre instrumentistes ; cette composition témoigne de l’expérience du compositeur québécois qui signe là un nouvel opus de son Auguste Quartet, Particules sonores.
Cette formation ne cesse d’évoluer depuis vingt-huit ans, preuve en est avec ce septième album publié qui fait la part belle à de nouvelles compositions issues de la plume du leader, de son vieux compère Michel Lambert présent depuis la parution d’Homos Pugnax en 2011 et de la dernière recrue en remplacement de Félix Stüssi, Marie Fatima Rudolf. Depuis le dernier album Exalta Calma enregistré en 2019, Mario Allard se lance dans des improvisations qui ne se répètent pas, son sens aigu de la dramaturgie imprègne « A Goose Story » aux saveurs coltraniennes ; la densité de son jeu de baryton dans « Rescapé des Temps » et « Bamboozled » renouvelle l’architecture du quartet.
La révélation de Particules sonores est la jeune pianiste Marie Fatima Rudolf, lyrique et dotée d’une main droite riche de par la diversité de son toucher ; elle renouvelle ses jeux d’accords avec une grande intensité. Ce groupe historique est agrémenté de parfums italiens comme en témoignent les arias sucrées de « Il Cappello di mia Sorella » et de « Profumo Chaneleone ». La subtilité de la langue française n’est pas en reste sur « Bis du Gras Mollet » aux faux airs de hard bop qui succède à « Le Gras Mollet » entendu sur Circum Continuum publié en 2015.
Le chant de la contrebasse, avec l’intervention soliste d’Alain Bédard dans « Compte rendu III », rappelle combien ce musicien a marqué l’histoire contemporaine du jazz d’outre-Atlantique. Particules sonores perpétue sa belle aventure musicale. Depuis la sortie de cet album, le saxophoniste Mario Allard est tragiquement décédé en chutant du balcon de son appartement à Montréal le 12 janvier 2025. Agé de quarante-deux ans, cet enseignant au grand cœur était fier d’être québécois francophone. Surnommé le Colosse, il suivait les matchs du club de hockey les Canadiens avec une passion identique à celle qu’il avait pour la musique. La communauté du jazz montréalais lui a rendu un hommage sans précédent.