Chronique

Duncan Hopkins

Who Are You ? The Music Of Kenny Wheeler

Duncan Hopkins (cb), Reg Schwager (g), Ted Quinlan (g), Michel Lambert (dms).

Label / Distribution : TPR Records

Cet album dont la pochette resplendissante est due aux artistes Yeşim Tosuner et Neil McVey, n’est aucunement un hommage déguisé à un artiste majeur mais plutôt un véritable acte d’amour accompli sous la tutelle du contrebassiste canadien Duncan Hopkins. L’instrumentation proposée par ce quartet est idéale pour mettre en valeur les musiques de Kenny Wheeler. L’écueil consistant à suivre stricto sensu les phrasés du trompettiste canadien est intelligemment évité : toute la richesse harmonique de ses compositions repose sur les guitares entremêlées de Reg Schwager et Ted Quinlan.

Les phrasés guitaristiques sont à la fois ouverts et empreints de combinaisons diversifiées, ce qui permet à la section rythmique de façonner des lignes peu conventionnelles. Le batteur Michel Lambert relance les solistes grâce à un tapis rythmique persuasif et jamais envahissant. Le soutien apporté par le contrebassiste, d’une solidité à toute épreuve, témoigne de l’attention qu’il porte à cette musique qui fut l’une des plus poétiques du siècle dernier.
Trois trompettistes ont émergé dans les années soixante-dix en proposant des discours à la fois novateurs et lyriques : Tomasz Stańko, Enrico Rava et Kenny Wheeler, ce dernier laissant à la postérité des compositions lumineuses parues dans des albums tels que « Deer Wan », « Gnu High » ou le sublime « Music for Large & Small Ensembles ». Ce sont donc des musiciens ouverts d’esprit qui aujourd’hui s’inspirent des pièces musicales de ce trompettiste né à Toronto et qui fit les beaux jours des musiques improvisées britanniques.

« Foxy Trot », dont le thème, une fois entendu, ne nous abandonne plus, démontre combien les astucieuses superpositions de Reg Schwager et Ted Quinlan fonctionnent à merveille, leur jeu aérien renvoie aux groupes de Paul Motian lorsque celui-ci privilégiait en leur sein des duos ou trios de guitaristes. « Nicolette » provient de l’album ECM Angel Song ; il est ici énoncé majestueusement avec le jeu aux balais de Michel Lambert : l’articulation musicale se concrétise avec des fluctuations romanesques. « Mark Time », écrit originellement pour le fils de Kenny Wheeler, Mark, sublime une pulsation interne survolée par le canevas des guitares qui exhument l’association fructueuse du trompettiste avec John Abercrombie. Avec « The St. Catharines Suite » dont la première partie, « Montebello », est composée par Duncan Hopkins, la compréhension des musiques de Kenny Wheeler s’impose pleinement avec ces changements harmoniques qui étaient la marque de fabrique du trompettiste. « Kitts » évolue en apesanteur et « Salina St. » offre une conclusion à l’album en se singularisant par une envolée entraînante.

L’écriture de Kenny Wheeler est superbement mise en valeur dans ce disque dont l’esthétique est illustrée par des compositions musicales uniques en leur genre.