Scènes

Andreas Schaerer/Lucas Niggli à Nevers

Un des premiers concerts après l’horreur des attentats de Paris, un des derniers du Djazz Nevers Festival qui s’est terminé samedi 14 novembre


Illustration parfaite de ce que peut l’Art, sur nous-mêmes, et peut-être sur les hommes en mal de vivre - et donc de mourir.

Beat Box et percussions, voix et peaux, tringles et bastringues, cymbales et baguettes, bruits de bouche et bouche cousue. Nous étions lourds de tant d’horribles idées [1], et l’Art musical nous a encore une fois fait oublier (un temps) la douleur d’exister et le désir de mort, c’est à dire sa pulsion. Et comme en plus Andreas et Lucas utilisent le rien de la voix, de la bouche, du corps, et le tout du « talking drum » nous avons été comblés.

Andreas Schaerer (voix) et Lucas Niggli (dm) n’en sont pas à leurs débuts, mais on les connaît encore mal en France, même si le projet « Hildegard Lernt Fliegen » de l’un s’est fait entendre chez nous, et si les divers talents de l’autre ont déjà éclaté dans plusieurs contextes. Toujours est-il que ce duo est étonnant de vivacité, de brillants échanges, et de superbes improvisations à deux, sur le fil mais toujours concluantes. Rebondissements, lueurs dans la nuit des sons sourds, sourdes issues et éclatants fracas, toutes ces mitrailles buccales et percussives étaient autant de sublimes et sublimées occasions de remercier les voies par lesquelles la pulsion, les pulsions, trouvent à s’employer dans l’Art, la joie de créer, pour éviter l’écueil de la chute dans le Réel et l’infâme.

Nous n’avions, et eux avec nous, que cette consolation, qui n’est pas rien, même si elle est provisoire, éphémère, feu de paille, rien arraché au tout contre le rien qui s’y croit attaché. À Nevers [2], comme en plein d’autres lieux je suppose, on a remercié les bateleurs qui s’arrêtent un instant sur la route où nous sommes engagés avec eux. Comme disait Thomas de Pourquery cette semaine avec Sun Ra : « L’humanité est sur la bonne route, mais dans la mauvaise direction ». Pas sûr pour autant qu’une conversion y puisse faire quoi que ce soit.

par Philippe Méziat // Publié le 15 novembre 2015

[1Oui, idées et non pas images…

[2Dont le logo étrange et longuement commenté résonne juste avec l’idée d’une humanité encore floue…