Chronique

Anthony Braxton

Seven Compositions (Trio) 1989

Anthony Braxton (fl, as, ss, sns, c-melody s), Adelhard Roidinger (b), Tony Oxley (dm)

Label / Distribution : Hat Hut

Cette réédition de Seven Compositions (Trio) 1989, long set enregistré en live à la Maison de la Culture d’Amiens en 1989, est l’occasion – rare – d’entendre Anthony Braxton démontrer son principe des « logiques multiples » avec d’autres partenaires que son quartet habituel [1]. Ici, il est entouré de Tony Oxley à la batterie et, pour la première fois, de l’Australien Adelhard Roidinger à la contrebasse.

Ces multiple logics (cf les notes de pochette) relèvent d’un concept forgé par Braxton à la fin des années 80 : il déclare en 1988 que les parties individuelles de toutes ses compositions peuvent être interprétées simultanément et combinées librement. A partir de créations qui relevaient déjà de l’avant-garde, il propose alors un mode d’interprétation susceptible de les recomposer aléatoirement, et de les défigurer dans cette recomposition même. Il en résulte d’étranges collages polyphoniques qui engendrent des écarts brutaux et surgissent dans la durée de l’interprétation par déflagrations d’énergie. C’est particulièrement sensible sur « All the Things You Are », dont on mesurera la métamorphose qui lui est imposée…

Ce concert condense ainsi sept compositions - en trois medleys reliés par de brèves improvisations -, respectivement : « 40D » et « 40G » de Braxton, « All the Things You Are » de Kern & Hammerstein, « The Angular Apron », écrit par Oxley pour Braxton, et « 6A », « 40J » et « 110A » de ce dernier.

Le principe des logiques multiples impose aux musiciens la surprise permanente. Ils passent ainsi sans crier gare de moments bluesy (« Composition 40G ») à d’autres plus impressionnistes (« Composition 40J »), d’une mélodie connue à une composition plus minimaliste (« 6A »), voire à de purs collages de fragments en liberté (« Compositions 110A »).

Ecouter cette réédition c’est, vingt ans après, entendre Braxton avec une équipe inhabituelle ; c’est surtout se rappeler que l’avant-garde a atteint l’excellence avec Anthony Braxton, et que cette musique affranchit puissamment celui qui l’écoute ou la joue.

par Mathias Kusnierz // Publié le 13 juillet 2009

[1A savoir Marilyn Crispell au piano, Mark Dresser à la contrebasse, et Gerry Hemingway à la batterie.