Chronique

Astroturf Noise

Blazing/Freezing

Sam Day Harmet (mando, elec, fx), Sana Nagano (vln, fx), Zachary Swanson (b) + Susan Alcorn (psg, 2, 5) Stash Wyslouch (g, 3), Walter Thompson (p, 4)

Label / Distribution : 577 Records

L’amusement est chose importante dans les choix de la violoniste Sana Nagano. Véritable phénomène à l’instrument, comme nous l’avons déjà dit lors d’un récent portrait ou à propos de son album Anime Mundi, elle cherche toujours à visiter des contrées inexplorées et des climats a priori antagonistes, non pas par souci de l’inédit ou de paraître iconoclaste, mais pour chercher et bousculer un peu. Comme on chahute. Lorsqu’on écoute « Historic Western Ghost Town Engulfed in Fire » et son bluegrass millésimé qu’on pourrait croire sorti d’un piano mécanique dans un saloon abandonné du Nevada, avec ce que cela peut avoir de vaguement inquiétant, on se dit que Nagano, accompagnée par le joueur de mandoline Sam Day Harmett et le piano de Walter Thompson, s’aventure dans des sentiers très balisés… Mais il ne faut pas longtemps pour que les boussoles s’affolent. Et que l’improvisation reprenne ses droits : le clavier se perd dans un brouillard d’électronique généré par les cordes, le violon se prend à vocaliser… L’oreille voyage.

Pour son second album, Astroturf Noise reprend une recette éprouvée : partir d’un matériel qui use de tous les codes du folklore de la conquête de l’Ouest, et l’utiliser comme base d’une musique ouverte et pétillante. « Brack Water Waltz », où le trio invite Susan Alcorn, en est un exemple brillant : la contrebasse de Zachary Swanson impose un cadre qui est vite débordé, la pedal steel guitar d’Alcorn emmenant le violon dans des montées vertigineuses ; si la mandoline tente de reprendre le cours des choses, le climat a durablement changé et s’avère joyeusement déstabilisant.

Il ne faudrait surtout pas croire que le décalage instauré par Astroturf Noise ait la moindre velléité de second degré. On s’amuse ici avec la bluegrass, jamais perçue comme une option à déconstruire d’urgence, mais bien une musique qui permet, comme tant d’autres, d’offrir de nouveaux terrains de jeu à condition de la secouer un peu. La mandoline de « Medium Lonely Blues » en témoigne. Tout comme les sinuosités électroniques de « Dying Mechanical Banjo », il s’agit de questionner la forme pour en inventer de nouvelles facettes. Nagano n’a pas fini de nous surprendre.