Chronique

Sana Nagano

Smashing Humans

Sana Nagano (vln, fx), Peter Apfelbaum (ts, objets) Keisuke Matsuno (g), Ken Filiano (b, fx), Joe Hertenstein (dms)

Label / Distribution : 577 Records

Jeune violoniste remarquée de la scène new-yorkaise qu’on a notamment entendue dans le projet Blue Grass Astroturf Noise, Sana Nagano est le genre de musicienne à suivre avec attention dans ses nombreuses aventures dissonantes. On ne saurait trouver meilleur exemple avec Smashing Humans, premier disque de son nouveau quintet où l’on retrouve notamment une base rythmique détonante avec le contrebassiste Ken Filiano, proche de Ho Bynum et de Kyoko Kitamura, et du batteur Joe Hertenstein, qui marque de son empreinte un disque empli de multiples influences. A commencer par « Strings and Figures », morceau introductif qui tape dur tout en illustrant à merveille la jolie pochette qui fait songer à un jeu vidéo en 8-bits ; simplicité et immédiateté, c’est ce qui caractérise l’envie de Nagano : le saxophone ténor de Peter Apfelbaum, figure de la Grosse Pomme entendue avec Omar Sosa, découpe avec délices un morceau joliment bruitiste et hyperbolique avec un vrai plaisir du jeu.

Pourtant, plus loin, à mesure notamment que le guitariste Keisuke Matsuno (figure des musiques créatives qu’on a pu voir émarger dans le Lucerne Jazz Orchestra notamment) prend de l’ampleur dans une musique qui ne cache pas ses liens avec le rock, le propos devient plus abstrait et plus sombre, à l’instar de « Loud Diner Wanted », où le son pourtant très clair du violon est assailli par le métal en fusion de la guitare. Il y a une puissance dans la musique de Sana Nagano qui ne masque pas totalement un univers coloré et foncièrement joyeux. C’est ce qu’on entend dans le beau et bien nommé « Heavenly Evil Devil », alors que le violon baguenaude sur une route hérissée de chausse-trapes plantées par une guitare et un saxophone tranchants comme des lames. Peu importent ces embûches : Nagano est libre et lyrique jusqu’à ce qu’elle s’acharne à pousser Filiano dans ses retranchements, ajoutant de la densité à un orchestre parfaitement versatile.

Comme nous l’avions indiqué dans notre récent portrait, Sana Nagano est une personnalité rare. Avec Smashing Human, la jeune Japonaise réussit un tour de force en arrivant à amalgamer l’ensemble d’un spectre musical qui va d’un rock bruitiste marqué par Sonic Youth et des figures du Metal jusqu’à des contrées de la Creative Music des plus ouvertes où l’on reconnaît une certaine révérence pour John Zorn. Il en résulte une musique étrange qui brouille volontairement toutes les pistes avec envie.