Chronique

Avishai Cohen

Naked Truth

Avishai Cohen (tp), Yonathan Avishai (p), Barak Mori (b), Ziv Ravitz (dms).

Label / Distribution : ECM

Loin des fulgurances électriques de son Big Vicious, Avishai Cohen lève le pied en même temps que le voile sur une musique qu’il semble élever à un niveau qu’il n’a peut-être jamais atteint. C’est un véritable architecte qui se présente, avec une construction en temps réel conçue en huit mouvements s’enchaînant dans une totale fluidité, juste avant une conclusion, le bien nommé « Departure », et la lecture d’un poème de l’Israélienne Zelda (Schneurson Mishkovsky) sur le thème du lâcher-prise. Cette musique devrait-elle son état d’apesanteur et son magnétisme aux longs mois d’une pandémie installée dans nos quotidiens depuis le début de l’année 2020 ? Allez savoir. Naked Truth serait alors un nouvel enfant de ce fichu coronavirus et de la sidération que ce dernier a engendrée à travers tous les continents. Soit une belle et grande famille, si l’on en juge par tous les disques qui en revendiquent désormais la paternité.

Entouré de ses compatriotes Yonathan Avishai (piano), Barak Mori (contrebasse) et Ziv Ravitz (batterie), le trompettiste – oui, parce qu’il faut tout de même le préciser, nous évoquons bien celui qu’on appelle parfois « l’autre Avishai Cohen » – se plaît à emprunter des chemins à la direction parfois sinueuse, mais parcourus en toute sérénité, presque tranquillement, ce qui incitera chacun.e d’entre nous à le suivre sans réserve aucune. La narration du quartet possède des accents méditatifs, chaque note semble retenue avant d’être libérée, et la musique s’offre comme une ode à la liberté. Ce qu’elle est, assurément. Et l’album se révèle tout aussi inventif que ses prédécesseurs.

En un temps très court (35 minutes), Naked Truth vous embarque et vous fait rêver, ce qui n’est pas le moindre des exploits de nos jours. À 78 ans, Manfred Eicher, le patron d’ECM qui a produit l’album, peut quant à lui se targuer d’une nouvelle et belle aventure à mettre au crédit d’un catalogue dont les richesses ne se comptent plus.