Scènes

Souillac, Time After Time

Retour sur l’édition 2021 du festival Souillac en Jazz


Vincent Peirani © Gabriel Pivaudran

Souillac en Jazz, qui fêtait ses 45 ans, se maintient dans une forme olympique. En témoigne, outre une très belle programmation, les restrictions sanitaires qui n’eurent pas raison de ce fringant quadragénaire. Ouf !

A Souillac, tout n’était pas gagné. Il n’y avait d’ailleurs qu’à laisser trainer ses oreilles pour saisir que l’équipe organisatrice avait dû aller et venir entre des contraintes affirmées puis infirmées, sans discontinuer ou à peine. In fine, l’édition 2021 fut accompagnée de son lot d’obligations : masque, placement rigoureux, station exclusivement assise et contrôle du sésame sanitaire ainsi que des identités à l’entrée. Rien ne fut laissé au hasard et si ce fut pénible, ce sont les bénévoles, une cinquantaine en tout et pour tout, qui éprouvèrent le plus durement ces conditions.

Mais l’équipe de Robert Peyrillou, 36e édition en tant que directeur artistique, a montré une efficacité tout à fait exemplaire en plus d’un sens esthétique qui ne se dément pas d’une édition à l’autre. D’autant plus que si des noms fort connus, en l’occurrence Michel Portal, Bojan Z, Vincent Peirani, Émile Parisien, étaient à l’affiche, celle-ci proposait d’autres concerts d’un abord bien moins évident. En effet le festival s’inscrit, à travers notamment le dispositif Jazz Migration, dans la promotion d’un jazz émergent. Quand on est loin d’être une place culturelle majeure, c’est le signe d’un courage démultiplié.

Michel Portal © Gabriel Pivaudran

Mais à Souillac, tout commence dans les rues avec un off longtemps appelé « animation » et qui en garde quelques traces. Ces « concerts en journée », c’est le terme consacré, ont permis de vivre jazz du matin au soir et de couvrir ce genre depuis les années 1920-30 avec les Bawling Cats, jusqu’à une esthétique plus contemporaine et le quartet Toultoutim que mène le saxophoniste Alain Angeli. L’ambiance était on ne peut plus agréable et Jean-Pierre Kuntz qui gère les concerts diurnes sait de quoi il parle. Contrebassiste de son état et mélomane convaincu, il œuvre dans l’ombre pour promouvoir la musique et ce festival.

Le soir, ce sont les grands concerts. On pourrait interroger à loisir ce qualificatif. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de grands, voire de très grands concerts à l’instar des deux qui ont clôturé l’édition 2021. Le cadre devant l’abbatiale médiévale, exceptionnel pour qui fréquente d’autres festivals, contribue très certainement à rendre ces moments encore plus magiques. Le duo de Bojan Z et Michel Portal puis celui d’Émile Parisien - ex-local de l’étape pour ce natif de Cahors - avec Vincent Peirani furent d’une immensité émotionnelle en phase avec ce cadre. En outre, ces quatre troubadours mélangèrent fort intelligemment à la poésie quelques pointes d’humour appropriées. Doit-on préciser que les festivaliers se levèrent comme un seul homme pour demander et re-demander du rab ?

Pourtant, le Velvet Revolution de Daniel Erdmann avait mis, deux jours avant, la barre haut. Le trio composé, en plus du leader, de Jim Hart et Théo Ceccaldi, exceptionnel soit dit en passant, avait restitué avec grâce à l’abbatiale et à son public une profonde inspiration. Le rappel, clamé sans qu’il soit discutable, en témoigna, tout comme la revisite éberluante de « Over the Rainbow » qui suivit.

Daniel Erdmann’s Velvet Revolution © Marc Pivaudran

Entre ces deux soirées, le double concert fut déménagé au Palais des congrès, en fait une salle polyvalente qui a le mérite de constituer un plan B en cas de pluie. A Souillac, ce soir-là il ne plut pas longtemps. Une quinzaine de minutes tout au plus mais un quart d’heure de drache bien comme il faut qui aurait pu mettre une belle pagaille et noyer les concerts s’ils s’étaient tenus dehors. A l’intérieur Rouge, le trio piano, basse, batterie, mené par la pianiste Madeleine Cazenave, puis celui de Yaron Herman, qui s’est conclu par une ovation de maestro, s’employèrent à tenir tête à cette solution de repli. Herman, Florent Nisse et Ziv Ravitz troquèrent d’ailleurs les étoiles célestes pour celles du public. Flagorneurs va !

Il faut insister avec véhémence sur la réussite de l’édition covid et souligner que finalement on ne vient pas à bout comme ça d’une organisation expérimentée et volontaire. Certes, en fin de festival, la fatigue se lisait sur le visage des bénévoles. Et pour cause. Sauf qu’ils sortirent vainqueurs par KO d’une météo capricieuse qui leur fit déménager les concerts à deux reprises, un aller puis un retour, et d’une réglementation sanitaire peu accommodante. Indubitablement, la musique avait marqué un point décisif.