Chronique

Rhoda Scott

Lady All Stars

Rhoda Scott (org), Sophie Alour (ts), Airelle Besson (tp), Céline Bonacina (bs), Lisa Cat-Berro (as), Géraldine Laurent (as), Anne Paceo (dms), Julie Saury (dms).

Huit femmes, tel était le titre d’un film de François Ozon il y a 20 ans. Le réalisateur peut désormais compter sur Rhoda Scott pour lui offrir une alternative musicale avec son Lady All Stars, une manière d’assembler et démultiplier les énergies qu’elle a su mobiliser dans un projet exclusivement féminin.

Contrairement à ce qui se passe dans le film où s’illustrait la crème des actrices françaises, ici on ne chante pas, encore que la réalité tendrait à prouver le contraire… Parce que la réunion de toutes ces forces instrumentales (quatre saxophones, une trompette et deux batteries entourant l’orgue Hammond comme une garde rapprochée) signifie bien célébration du chant, avant toute chose. Un chant profond, imprégné de blues et de gospel. On retrouve en effet, autour de celle qui arbore fièrement 83 printemps, ses partenaires actuelles du Lady Quartet (formé en 2004, rappelons-le). Lisa Cat-Berro, Sophie Alour et Julie Saury reçoivent donc le renfort de celles qui ont croisé la route de l’Américaine depuis le début de l’aventure, avant d’emprunter d’autres chemins : Anne Paceo, Céline Bonacina, Géraldine Laurent et Airelle Besson. C’est une véritable famille qu’on découvre en action sur la scène du Sunset, sur le label duquel est publié cet album revigorant et au bout du compte assez exemplaire dans un univers musical encore très largement dominé par les hommes : « Jouer avec ces jeunes consœurs m’a stimulée et j’ai appris beaucoup d’elles. Après les concerts, des spectatrices me disent aussi que ça leur fait du bien, et que nous sommes des modèles possibles pour leurs filles ».

Autant dire que nous sommes conviés à une fête portée par ce qu’il convient d’appeler plus que jamais le groove, en compagnie d’un mini big-band aux couleurs cuivrées, bien décidé à nous embarquer dans un voyage chargé d’une grande humanité. Rhoda Scott laisse à ses musiciennes toute la place nécessaire pour exprimer leur joie d’être en musique (ces dernières signant par ailleurs six des huit compositions du disque, mention spéciale à Lisa Cat-Berro qui hisse les deux siennes au rang d’hymnes) et prend la parole – mains et pieds solidaires – avec la fièvre ruisselante qu’on lui connaît depuis des décennies. Sa foi en un langage partagé est intacte ; on sait sa capacité à transporter un large public et à le faire chavirer d’aise, à peine jouées les premières notes. Il faut avoir été au cœur d’une telle assemblée pour mesurer la puissance d’un tel phénomène. Ce voyage intergénérationnel est à la fois la confirmation de la place unique qu’occupe Rhoda Scott sur la scène jazz – pour beaucoup d’entre nous, elle est une sorte de figure éternelle – mais aussi la promesse d’une suite de cette si belle histoire. Sa jeune garde veille au grain, soyez-en certains.