Chronique

Benjamin Bondonneau

Phonolithes

Benjamin Bondonneau (cl, cb cl, pierres, g, perc, objets, peinture), Maurice Benhamou, Jean-Yves Bosseur, Michel Doneda, Jean-Luc Guionnet, Jonas Kocher, Ly Thanh Tiên, Christian Rosset, Matthieu Saladin (comp)

Label / Distribution : Le châtaigner bleu/Metamkine

Musicien et plasticien, Benjamin Bondonneau s’attache à mettre en valeur la poésie des choses simples. Déployant ses vagabondages artistiques à partir de sa Dordogne natale, il en nourrit l’expression par différents biais, entre collaborations au long cours et ressources à portée de main. La nature est pour lui une source d’inspiration majeure, et ses réalisations antérieures montrent les affinités qu’il entretient avec les matières, minérales ou organiques ; il se plaît à les mettre en scène par le son et l’image, en cherchant systématiquement à introduire une dimension réflexive dans ses œuvres.

Il compose avec les formes, les sons, les couleurs, les timbres, et cherche à utiliser l’espace, quitte à se considérer lui-même comme un élément à disposer ; ce fut le cas pour le Peuple des falaises, puisqu’il enregistra sa musique dans une grotte, un site troglodytique ou à flanc de falaise, afin que la roche influe de différentes manières sur le son. Son langage est contemporain, mais l’essence de son expression ancestrale. L’humus, les arbres, le calcaire, la rouille, les abeilles et leur ruche sont autant d’habitants de son vocabulaire, à la fois modèles et moyens matériels.

Avec Phonolithes, ce travail de mise en résonance des arts inclut, outre la peinture et la musique, le verbe. En l’occurrence, celui de Roger Caillois - également collectionneur de pierres, celui-ci a laissé plusieurs essais qui en décrivent le langage, la magie, la force d’évocation. Bondonneau a demandé à des compositeurs issus d’univers multiples de s’inspirer de L’écriture des pierres et de lui proposer des « partitions ouvertes ». Le résultat se présente sous la forme d’une série de miniatures aux allures contemporaines, qu’on imagine modelées par l’improvisation.

L’ensemble s’émaille, comme un fil conducteur, de pièces signées Ly Thanh Tiên ; ce « Stones Museum » se décline en cinq parties sur lesquelles le clarinettiste joue avec des pierres, les frotte, les entrechoque, explore leurs timbres mats, s’en sert pour faire résonner des métaux. D’autres créateurs déjà croisés dans des œuvres antérieures de Bondonneau ou qui font partie de la même famille artistique lui prêtent ici leur concours. Tous ont en commun une farouche volonté de décloisonner les disciplines pour tendre vers un art total. Par leurs gestes, leurs danses, leurs cris ou leurs mélodies, par leurs traits, leurs courbes et leurs matières apposées, par leurs textes ou leur poésie du silence, ce sont tous nos sens qui sont stimulés. Jean-Luc Guionnet, Christian Rosset, Jean-Yves Bosseur, Michel Doneda, Maurice Benhamou, Jonas Kocher et Matthieu Saladin nourrissent l’imaginaire de Bondonneau et le canalisent. Ils lui donnent leur propre vision des pierres, après quoi il s’approprie ces chemins tracés pour moduler ses sons délicats et ses souffles profonds. Il joue seul, mais utilise en abondance le re-recording. Ses clarinettes juxtaposées sont tout en lyrisme évanescent. Les autres instruments, périphériques, forment un écrin sonore qui en souligne la pureté.

À mettre en vis-à-vis de ces pièces musicales, l’objet-disque Phonolithes contient dix peintures qui, elles aussi, traitent des pierres et les emploient. Là encore, comme en reflet des sons, c’est à travers tout un jeu sur le placement et la complémentarité des couleurs ou des matières que surgissent les pierres. On en distingue les contours, et les reliefs parfois. Tranchées, elles s’offrent à la lecture. On lit en elles comme on interprète les nuages. Elles comportent des formes simples dont le message est inépuisable - comme la musique ici proposée.